Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 28 mai 2020, n° 17/05183

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 6e ch., 28 mai 2020, n° 17/05183
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 17/05183
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Nanterre, 2 octobre 2017, N° 16/01273
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 15 octobre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 82E

6e chambre

ARRÊT N° 182

CONTRADICTOIRE

DU 28 MAI 2020

N° RG 17/05183

N° Portalis : DBV3-V-B7B-R5OK

AFFAIRE :

SA ENEDIS

C/

COMITÉ SOCIAL ET ÉCONOMIQUE CENTRAL DE LA SA ENEDIS venant aux droits du Comité Central d’Entreprise de la Société Enedis (anciennement dénommée Électricité Réseau Distribution France (E.R.D.F.))

FÉDÉRATION NATIONALE DES SYNDICATS DES SALARIÉS DES MINES ET DE L’ÉNERGIE CGT 'F.N.M. E. – CGT'

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 3 Octobre 2017 par le tribunal de grande instance de Nanterre

Pôle : Civil-Social

N° RG : 16/01273

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 29 Mai 2020 à :

— Me Martine DUPUIS

— Me Stéphanie TERIITEHAU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT MAI DEUX MILLE VINGT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

La SA ENEDIS

N° SIRET : 444 608 442

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Romain ZANNOU, plaidant, avocat au barreau de PARIS ; et par Me Martine DUPUIS de la SELARL Lexavoué Paris-Versailles, constituée, avocate au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

APPELANTE

****************

Le COMITÉ SOCIAL ET ÉCONOMIQUE CENTRAL DE LA SA ENEDIS

venant aux droits du Comité Central d’Entreprise de la Société Enedis (anciennement dénommée Électricité Réseau Distribution France (E.R.D.F.))

[Adresse 5]

[Adresse 2]

[Localité 3]

La FÉDÉRATION NATIONALE DES SYNDICATS DES SALARIÉS DES MINES ET DE L’ÉNERGIE CGT 'F.N.M. E. – CGT'

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentanés par Me Fabrice FEVRIER, plaidant, avocat au barreau de PARIS ; et par Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL Minault Teriitehau, constituée, avocate au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été appelée à l’audience publique du 31 Mars 2020 pour être débattue devant la cour composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier : Monsieur Nicolas CAMBOLAS

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Créée le 1er janvier 2008, la société Electricité Réseau Distribution de France (ERDF), devenue Enedis le 1er juin 2016, est une filiale à 100 % du groupe EDF. Elle exploite le réseau de distribution d’électricité et emploie environ 38 000 agents.

Par acte du 29 janvier 2016, le Comité Central d’Entreprise (CCE) de la société Electricité Réseau Distribution de France et la Fédération Nationale des Syndicats des Salariés des Mines et de l’Energie CGT (FNME-CGT) ont assigné la société ERDF (devenue Enedis) devant le tribunal de grande instance de Nanterre afin de :

— voir dire que compte tenu de leur impact sur la sécurité, les conditions de travail, d’emploi et la formation du personnel, toute nouvelle « condition d’exécution du travail » (CET) effectuée en BT (Basse Tension), toute nouvelle Prescription du Réseau de Distribution d’Electricité (PRDE) et plus généralement tout document prescriptif devront être soumis à la consultation préalable du Comité Central d’Entreprise de la société Enedis,

— dire que la société Enedis a porté atteinte aux prérogatives d’information et de consultation du Comité Central d’Entreprise en s’abstenant de procéder à l’information et à la consultation préalable de cette structure avant la mise en oeuvre des nouvelles « CET TST BT » et « PRDE » en 2015,

— ordonner en conséquence à la société Enedis de procéder à l’information et à la consultation du Comité Central d’Entreprise sur ces nouvelles CET TST BT appliquées depuis le 1er avril 2015 et notamment sur leur contenu, leurs conséquences financières mais aussi sociales pour le personnel en termes de modifications du contrat de travail, d’emploi et de sécurité et de formation,

— dire que le processus d’information et de consultation devra être engagé dans le délai d’un mois à compter de la signification de la décision à intervenir et, passé ce délai, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ; se réserver la possibilité de liquider cette astreinte,

— condamner la société Enedis à verser au Comité Central d’Entreprise la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour entrave à son fonctionnement régulier et en réparation de l’atteinte portée à ses prérogatives légales,

— condamner la SA Enedis à verser à la Fédération Nationale des Syndicats des Salariés des Mines et de l’Energie CGT la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice porté à l’intérêt des membres de la profession,

— condamner la SA Enedis à verser à chacun des demandeurs la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La SA Enedis a conclu à l’irrecevabilité des demandes adverses à défaut d’intérêt pour agir et subsidiairement, au rejet de ces demandes et en tout cas à la condamnation des parties demanderesses au paiement d’une somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 3 octobre 2017, le tribunal de grande instance de Nanterre a :

— déclaré recevable l’action des deux parties demanderesses,

— enjoint à la société Enedis de réunir le Comité Central d’Entreprise et d’engager le processus d’information/consultation sur les nouvelles Conditions d’Exécution des Travaux en basse tension ainsi que sur les PRDE appliquées depuis le 1er avril 2015 dans un délai de 2 mois à compter de la signification du jugement sous peine d’astreinte de 500 euros par jour de retard pendant 90 jours,

— condamné la SA Enedis à verser tant au Comité Central d’Entreprise qu’à la Fédération Nationale des Syndicats de Salariés des Mines et de l’Energie CGT les sommes de :

' 10 000euros à titre de dommages et intérêts,

' 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a ordonné l’exécution provisoire de la décision et condamné la SA Enedis aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 3 novembre 2017, la SA Enedis a relevé appel de cette décision.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 24 juillet 2018, la SA Enedis a demandé à la cour de :

— infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

— dire et juger dénuée de tout effet utile la procédure d’information/consultation du CCE,

— dire et juger que cette procédure d’information/consultation est mue par un intérêt passé,

— dire et juger irrecevables le CCE et la FNME-CGT en leurs actions à défaut d’intérêt pour agir,

— dire et juger qu’il n’y a pas lieu à consultation,

En tout état de cause :

— débouter le CCE et la FNME-CGT de toutes leurs demandes, fins et prétentions,

— condamner solidairement les intimées au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 30 avril 2018, le Comité Central d’Entreprise de la SA Enedis et la Fédération Nationale des Syndicats des Salariés des Mines et de l’Energie CGT ont demandé à la cour de :

— déclarer la société Enedis mal fondée en son appel et la débouter de l’ensemble de ses demandes,

— confirmer le jugement déféré en ce qu’il a jugé recevable l’action du CCE et de la Fédération des syndicats CGT et enjoint à la société Enedis de réunir le CCE et d’engager le processus d’information/consultation sur les CET et les PRDE appliquées depuis le 1er avril 2015 dans un délai de 2 mois à compter de la signification du jugement sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement pendant 90 jours,

— réformer la décision sur le quantum des condamnations prononcées à titre de dommages et intérêts et faire droit intégralement à leurs demandes de ce chef,

Y ajoutant :

— condamner la SA Enedis à verser au Comité Central d’Entreprise et à la Fédération Nationale des Syndicats des Salariés des Mines et de l’Energie CGT la somme de 1 500 euros pour chacun d’eux au titre des frais irrépétibles exposés par les intimés en cause d’appel,

— condamner la SA Enedis aux entiers dépens de l’instance d’appel dont distraction au profit de la SELARL Patricia Minault agissant par Me Patricia Minault, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 26 septembre 2019 et l’affaire a été plaidée à l’audience du 22 octobre 2019.

Par arrêt du 9 janvier 2020, la cour d’appel de Versailles a ordonné la réouverture des débats afin que les parties concluent en tirant les conséquences de l’entrée en vigueur à la date du 1er janvier 2020 des dispositions de l’ordonnance n° 2017-1386 mettant en place le Comité social et économique (CSE).

Par conclusions signifiées par voie électronique le 12 février 2020, la société Enedis a sollicité de voir dire qu’il appartient au Comité social et économique central (CSEC) de la société Enedis de justifier de sa reprise et de sa poursuite de l’action engagée par le comité central d’entreprise (CCE) de la société Enedis.

A titre subsidiaire, elle a demandé de voir infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 3 octobre 2017, et de voir dire et juger le CCE et la FNME-CGT irrecevables en leur action en raison de leur absence d’intérêt à agir et voir dire et juger qu’il n’y a pas lieu à consultation. En tout état de cause, elle a sollicité de voir débouter les intimés de leurs demandes et les voir condamner solidairement à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 9 mars 2020, le Comité social et économique central (CSEC) de la société Enedis, venant aux droits du Comité central d’entreprise de la société Enedis anciennement dénommée Electricité Réseau Distribution de France (ERDF), la Fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l’énergie CGT (FNME-CGT) ont sollicité de voir donner acte au CSCE de la société Enedis venant aux droits du Comité central d’entreprise de la reprise de la poursuite de l’instance.

Ils ont sollicité la confirmation du jugement et ainsi de :

— voir dire que compte tenu de leur impact sur la sécurité, les conditions de travail, d’emploi et de formation du personnel, toute nouvelle « conditions d’exécution du travail » (CET) relative aux « TST » (travaux sous tension) effectuées en « BT » (Basse Tension) (CET TST BT) ou nouvelles « Prescriptions du Réseau de Distribution d’Electricité » (PRDE), et plus généralement tout document prescriptif en la matière doit être soumis à la consultation préalable du comité central d’entreprise dont les missions ont été reprises par le comité social et économique central,

— voir dire que la société Enedis (anciennement ERDF) a porté atteinte aux prérogatives d’information et de consultation du comité central d’entreprise en s’abstenant de procéder à l’information et la consultation préalable de l’organisme avant la mise en oeuvre de nouvelles CET TST BT et PRDE en 2015,

— constater que la société Enedis n’a pas procédé à l’information et la consultation du comité central d’entreprise sur les nouvelles CET TST BT et les PRDE appliquées depuis le 1er avril 2015 et notamment sur leur contenu, leurs conséquences économiques et financières mais aussi sociales pour le personnel en termes de modification des conditions de travail, d’emploi, de sécurité et de formation,

Le Comité social et économique central (CSEC) de la société Enedis, venant aux droits du Comité central d’entreprise de la société Enedis anciennement dénommée Electricité Réseau Distribution de France (ERDF) et la Fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l’énergie CGT (FNME-CGT) ont également sollicité la réformation du jugement sur les quantum et demandé de voir porter les sommes allouées à titre de dommages-intérêts pour l’entrave portée au fonctionnement régulier du CCE et l’atteinte portée à ses prérogatives légales d’information et de consultation à la somme de 50 000 euros et celle allouée à la FNME-CGT à la somme de 20 000 euros.

Ils ont en outre sollicité de voir condamner la société Enedis à leur verser la somme, à chacun, de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Minault-Teriitehau agissant par Maître Stephanie Teriitehau, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application de l’article 9 de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales, l’ensemble des biens, droits et obligations, créances et dettes des comités d’entreprise, des comités d’établissement, des comités centraux d’entreprises, des délégations uniques du personnel, des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et des instances prévues à l’article L. 2391-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la publication de l’ordonnance, existant à la date de publication de l’ordonnance sont transférés de plein droit et en pleine propriété aux comités sociaux et économiques prévus au titre Ier du livre III de la deuxième partie du code du travail mis en place au terme du mandat en cours des instances précitées et au plus tard au 31 décembre 2019.

Il est ici justifié par la production de l’extrait du procès verbal de sa réunion du 30 janvier 2020 et par ses conclusions signifiées par voie électronique le 9 mars 2020 que le Comité social et économique central (CSEC) de la société Enedis a poursuivi l’instance à laquelle était partie le comité central d’entreprise de la société Enedis. Il lui en sera donné acte.

L’objet du litige porte sur l’information-consultation devant être effectuée ou non du CSEC sur les conditions d’exécution du travail-travail sous tension-basse tension (CET TST BT) et les prescriptions du réseau de distribution d’électricité (PRDE).

La société Enedis soulève en premier lieu l’irrecevabilité de l’action introduite par les intimés en raison de leur défaut d’intérêt à agir.

À cet égard, elle fait valoir en premier lieu que l’action ainsi introduite est dépourvue de tout effet utile dès lors qu’elle porte sur des normes extérieures à l’entreprise et s’imposant à elle. Sur ce point, elle relève que les CET TST BT ne sont pas des décisions de l’employeur mais émanent du comité des travaux sous tension (CTST) et qu’une consultation sur ces normes n’a donc pas d’effet utile, toute discussion se trouvant vidée de sa substance, ni l’employeur, ni les institutions représentatives du personnel ne disposant de la faculté d’en influencer le contenu.

Elle fait valoir en second lieu que l’action des intimés est motivée par un intérêt passé. Sur ce point, elle relève que l’assignation délivrée le 29 janvier 2016 devant le tribunal de grande instance de Nanterre est postérieure de près de 10 mois à la mise en 'uvre des textes en cause et plus d’un an après la résolution votée à la réunion du 18 septembre 2014, qu’ainsi l’action engagée par les intimés est dépourvu d’intérêt en ce qu’elle porte sur la consultation de normes déjà appliquées pour lesquelles le comité a précédemment exprimé et manifesté son désintérêt, ses prérogatives consultatives s’exerçant en outre dans des délais préfix à l’expiration desquels il est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif.

Le Comité social et économique central de la société Enedis et la Fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l’énergie CGT s’opposent aux fins de non-recevoir ainsi soulevées. Ils font valoir qu’en invoquant des délais de consultation alors qu’elle refuse d’appliquer un régime juridique applicable à cette consultation, la société Enedis contrevient au principe de l’estoppel. Ils ajoutent que la consultation du Comité central d’entreprise s’imposait utilement alors que les CET TST BT et les PRDE portent sur des règles de sécurité édictées par l’employeur et/ou mises en oeuvre dans l’entreprise et susceptibles d’évolution. Ils font également remarquer que la société Enedis, en prétendant que la consultation du CSEC n’est pas obligatoire ou n’aurait pas d’utilité développe des arguments sur le fond, qu’en outre, figurent parmi leurs demandes des demandes indemnitaires sanctionnant la violation par l’employeur de ses obligations.

Étant relevé que le litige porte sur la nécessité ou non de la consultation du Comité social et économique central d’entreprise venant aux droits du Comité central d’entreprise relativement à la modification des normes CET TST BT et PRDE, il ne peut être opposé au comité des délais de contestation qui ne commencent à courir qu’à compter de la communication, par l’employeur, des informations prévues par le code du travail.

Les éléments du litige établissent par ailleurs que l’employeur n’a procédé à une telle consultation qu’à la suite du jugement assorti de l’exécution provisoire rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre le 3 octobre 2017 et dans des conditions contestées par les élus du Comité.

Dès lors, l’intérêt à agir du Comité social et économique central venant aux droits du Comité central d’entreprise lors de la saisine du tribunal en janvier 2016 ne saurait être remis en cause en raison d’une quelconque tardiveté dans son exercice du droit d’agir.

Le caractère utile de l’action doit par ailleurs être distingué de son bien-fondé.

A cet égard, la question de savoir si, au regard du caractère réglementaire des normes en cause, la consultation du Comité s’impose, relève du fond tandis que lest intimés ont, en tout état de cause, un intérêt à agir dans le cadre d’un litige portant sur l’atteinte à leurs droits.

Les fins de non-recevoir seront donc rejetées.

Sur le fond, l’instance a été reprise par le Comité social et économique central lequel demande avec la Fédération Nationale des Syndicats des Salariés des Mines et de l’Energie CGT (FNME CGT) principalement de constater que la société Enedis n’a pas procédé à l’information et la consultation du Comité central d’entreprise sur les nouvelles CET TST BT et les PRDE appliquées depuis le 1er avril 2015 et notamment sur leur contenu, leurs conséquences économiques et financières mais aussi sociales pour le personnel en cas de modification des conditions de travail, d’emploi, de sécurité et de formation.

S’agissant des CET TST BT, la société Enedis fait pour sa part valoir que le Comité central d’entreprise n’avait pas à être consulté compte tenu de la nature de la norme en cause édictée par le Comité des travaux sous tension (CTST) et s’imposant à l’employeur. Elle fait également observer que la consultation ne s’imposait pas alors que le CET TST BT n’a fait l’objet que d’une mise à jour de son ordonnancement sans modifications des informations contenues.

S’agissant des PRDE, la société Enedis fait valoir que ces documents n’ont qu’une vocation technique et ont uniquement pour objet de détailler, selon un mode opératoire, des obligations s’imposant aux agents effectuant des travaux sous tension. Elle fait observer qu’ils ne sont que la reprise de règles techniques afférentes aux obligations réglementaires et contractuelles et ne sont pas susceptibles d’ajouts ou de modifications par rapport aux obligations déclinées dans les CET TST BT et le carnet des prescriptions au personnel (CPP), lequel a donné lieu, pour sa part, à information-consultation les 3 juillet et 23 octobre 2014.

L’article L. 2327-2 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, donne compétence au Comité central d’entreprise d’exercer les attributions techniques et les attributions relatives à la marche générale de l’entreprise d’un Comité d’entreprise, au niveau de l’ensemble de l’entreprise. Il doit être consulté sur les projets décidés au niveau de l’entreprise qui ne comportent pas de mesures d’adaptation spécifiques à un ou plusieurs établissements.

Parmi les questions relatives à la marche générale de l’entreprise, l’article L. 2323-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, vise notamment les mesures de nature à affecter les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle.

A titre liminaire, et s’agissant du carnet des prescriptions au personnel (CPP), il est rappelé que le décret n° 82-167 du 16 février 1982 relatif aux mesures particulières destinées à assurer la sécurité des travailleurs contre les dangers d’origine électrique lors des travaux de construction d’exploitation et d’entretien des ouvrages de distribution d’énergie électrique vise en son article 4 que l’employeur est tenu de se conformer aux prescriptions d’un ou de plusieurs recueils d’instructions générales de sécurité d’ordre électrique correspondant aux travaux à effectuer et à leur mode d’exécution, ce ou ces recueils devant être approuvés par arrêté conjoint du ministre chargé de l’énergie électrique et du ministre chargé du travail.

Un arrêté du 17 janvier 1989 a ainsi approuvé la publication du recueil d’instructions générales UTE C 18-510 tandis qu’un nouvel arrêté du 19 juin 2014 a retenu depuis, que le recueil d’instructions générales de sécurité cité à l’article 4 du décret est le recueil UTE C 18-510-1 issu de la norme NF C 18-510.

L’article 6 III du décret précise que l’employeur doit informer chaque travailleur chargé de travaux sur des installations électriques des instructions de sécurité à respecter et doit lui remettre contre reçu un carnet de prescriptions(CPP) établi sur la base des dispositions du ou des recueils d’instructions générales visés à l’article 4, son contenu étant adapté aux fonctions que le titulaire est susceptible d’assurer et, si nécessaire, aux caractéristiques des installations concernées et à l’importance des opérations dont l’employeur confie l’exécution à son personnel, cette remise ne dispensant pas l’employeur de donner des instructions ou consignes particulières complémentaires lorsque les travaux prévus le nécessitent.

Il est justifié aux débats de l’information et la consultation du Comité central d’entreprise sur le projet de CPP en matière de risque électrique en vigueur à compter du 1er avril 2015 et annexé au règlement intérieur, lors des réunions du 3 juillet 2014 et du 23 octobre 2014.

Pour leur part, les conditions d’exécution du travail (CET) relatives aux TST (travaux sous tension) effectuées en BT (basse tension) (CET TST BT) déclinent les modalités de mises en oeuvre des travaux sous tension. Ceux-ci impliquent en effet des contraintes particulières nécessitant des règles complémentaires de sécurité.

Approuvées par le Comité des Travaux sous tension (CST) dont les membres sont des gestionnaires de réseaux pratiquant des travaux sous tension, les CET sont élaborées par des commissions d’experts représentant les différentes entreprises françaises exploitant des ouvrages de transport et distribution d’électricité ainsi que les centres de formation.

Développées en cohérence avec les instructions générales de sécurité d’ordre électrique (recueil UTE C18-510-1) qu’elles ont pour objet de compléter, elles sont de portée générale et s’appliquent à tout acteur des travaux sous tension en France.

Dans les termes des CET BT 2013 produites aux débats par les intimées, elles comprennent les règles que les opérateurs doivent respecter pour effectuer un chantier sous tension, soit les conditions générales préalables aux travaux y afférents, les modalités suivant lesquelles le travail doit être préparé puis organisé, les conditions d’emploi des outils, les modalités à suivre pour la bonne exécution du travail.

La cour observe que si ni les opérateurs ni les élus siégeant au Comité ne peuvent en effet discuter les règles déclinées dans les CET au regard de leur caractère réglementaire, il apparaît, dans les termes opposés par les intimés, que leur mise en oeuvre est susceptible d’avoir un impact sur les conditions de travail et d’emploi au sein de l’entreprise.

Ainsi, autant l’argument soulevé par les intimés selon lequel la direction s’est refusée à toute consultation préalable du Comité quant à « l’adoption par l’entreprise » des nouvelles CET TST BT applicables à compter du 1er juillet 2015 doit être écarté alors que cette adoption relève du Comité des travaux sous tension, celui visant la nécessité de sa consultation sur les modalités de mise en oeuvre de ces CET est bien fondé en ce qu’elles sont de nature à affecter les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle.

Le jugement de première instance a donc lieu d’être confirmé en ce qu’il a retenu que la question de l’impact des CET sur les conditions de travail, la sécurité et la formation des salariés doit donner lieu à information-consultation du Comité central d’entreprise.

S’agissant du moyen soulevé par l’entreprise tenant au fait que les normes n’auraient pas été modifiées mais uniquement mises à jour dans les CET TST BT de 2013, il doit être observé qu’il ressort du document ERDF intitulé « mise à jour des CET TST BT » (pièce 14 des intimés) que « la mise à jour de juillet 2013 diffère de celle de 2002 complétée au fil de l’eau jusqu’en mars 2011 ». Des modifications sont en effet apportées portant non seulement sur une structuration interne différente des CET mais également sur des points techniques, soit l’apparition de titres d’ouvrage en lieu et place de domaines, la suppression des connexions/déconnexion sur bornier, l’apparition d’un « travail sur enveloppe de matériel ou appareil » et d’un travail sur circuit terminal de branchement.

Ces éléments s’opposent donc à voir retenir que les informations contenues n’ayant pas été modifiées, l’information-consultation du Comité central d’entreprise ne s’imposait pas.

S’agissant des prescriptions du réseau de distribution d’électricité (PRDE), il ressort des pièces produites aux débats que celles-ci sont des notes établies par les diverses directions de la société Enedis décrivant, précisant et transposant en mode opératoire les règles à mettre en oeuvre par les unités réseaux ou les agents effectuant des travaux.

Elles se réfèrent pour leur contenu à des « documents associés »de contenus plus larges dont, notamment les carnets de prescription au personnel ayant fait l’objet d’information-consultation du Comité central.

Ainsi la PRDE H 4.6-03-VI élaborée par la direction Santé Sécurité et la direction technique de l’entreprise s’adresse aux techniciens des Agences de maintenance et d’exploitation des Postes sources sous la forme de fiches d’intervention. Elle se réfère à un document associé ( ERDF PRO SS 02) relatif aux travaux temporaires en hauteur.

Il s’en déduit que les PRDE ont une vocation uniquement documentaire et déclinent sur un mode opératoire des normes réglementaires dont la mise en oeuvre a d’ores et déjà donné lieu à information et consultation du Comité central d’entreprise.

L’obligation d’information et de consultation concernant ces notes circulaires internes n’est donc pas justifiée et le jugement sera infirmé de ce chef.

S’agissant des dommages et intérêts sollicités, la cour confirme le jugement entrepris en ce qu’il a retenu que le manquement de l’employeur à ses obligations de consultation a causé un préjudice à l’intérêt collectif de la profession que représente la Fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l’énergie CGT (FNME-CGT) ainsi qu’une entrave à l’exercice de ses droits par le Comité central d’entreprise aux droits duquel vient le Comité social et économique central de la société Enedis.

Au regard des préjudices subis, les condamnations en paiement prononcées à titre de dommages-intérêts au profit de chacun des intimés seront également confirmées.

Il sera statué sur les dépens et frais irrépétibles dans les termes du dispositif.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

DONNE acte au Comité social et économique central (CSCE) de la société Enedis venant aux droits du Comité central d’entreprise de la société Enedis de sa poursuite de l’instance ;

CONFIRME le jugement rendu le 3 octobre 2017 par le tribunal de grande instance de Nanterre :

— en ce qu’il a rejeté les fins de non recevoir,

— en ce qu’il a retenu que le Comité central d’entreprise de la société Enedis aux droits duquel vient le Comité social et économique central de la société Enedis devait être informé et consulté sur les conditions de mise en 'uvre des travaux en basse tension dans les conditions réglementaires déclinées dans les CET TST BT approuvés par le Comité des travaux sous tension applicables à compter du 1er avril 2015,

— en ce qu’il a condamné la société Enedis à verser au Comité central d’entreprise de la société Enedis aux droits duquel vient le Comité social et économique central de la société Enedis ainsi qu’à la Fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l’énergie CGT (FNME-CGT) la somme, à chacun, de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts et 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que les conditions de mises en oeuvre des « conditions d’exécution du travail » (CET) relatives aux « TST » (travaux sous tension) effectuées en « BT » (Basse Tension) (CET TST BT) doivent être soumises à l’information et la consultation préalable du Comité social et économique central (CSEC) de la société Enedis en ce qu’elles sont de nature à affecter les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle ;

REJETTE les autres demandes du Comité social et économique central de la société Enedis (CSEC) venant aux droits du Comité central d’entreprise de la société Enedis et de la Fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l’énergie CGT (FNME-CGT) ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Enedis à payer au Comité social et économique central de la société Enedis (CSEC) venant aux droits du Comité central d’entreprise de la société Enedis et à la Fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l’énergie CGT (FNME-CGT) la somme à chacun de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société Enedis de sa demande de ce chef ;

CONDAMNE la société Enedis aux dépens dont distraction au profit de la Selarl Minault-Teriitehau agissant par Maître Stephanie Teriitehau, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Isabelle VENDRYES, Président, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,

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Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 28 mai 2020, n° 17/05183