Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 8, 3 octobre 2019, n° 17/22329

  • Succursale·
  • Sociétés·
  • Tribunaux de commerce·
  • Registre du commerce·
  • Compétence·
  • Siège social·
  • Gares principales·
  • Juridiction·
  • Morale·
  • Dénomination sociale

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 8, 3 oct. 2019, n° 17/22329
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/22329
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 27 novembre 2017, N° 2016037402
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 octobre 2022
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 8

ARRÊT DU 03 OCTOBRE 2019

(n° , 14 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/22329 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B4S37

Décision déférée à la cour : Jugement du 28 Novembre 2017 -Tribunal de commerce de Paris – RG n° 2016037402

APPELANT

Monsieur [B] [O], ayant élu domicile au cabinet de Maître Lotfi OULED BEN HAFSIA,

Né le [Date naissance 1] 1959 au QATAR

Demeurant [Adresse 1]

Deira

DUBAI

EMIRATS ARABES UNIS

représenté par Me Lotfi OULED BEN HAFSIA, avocat au barreau de PARIS, toque : B1194

assisté de Me Marcin GOLEC, avocat au barreau de PARIS, toque C1159

INTIMÉES

La société QATAR AIRWAYS GROUP QCSC, anciennement dénommée QATAR AIRWAYS QCSC, et encore antérieurement QATAR AIRWAYS SARL, dont l’établissement principal en France est sis [Adresse 2]), immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 433 324 704, agissant en la personne de ses représentants légaux y domiciliés en cette qualité,

Ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 1]

QATAR

SA PRINCIPAL ETABLISSEMENT DE QATAR AIRWAYS

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 433 324 704

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

représentées par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477,

assistées de Me Jacques BOUYSSOU, avocat au barreau de PARIS, toque : K0126

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 17 Décembre 2018, en audience publique, devant la cour, composée, les avocats ne s’y étant pas opposés, en double rapporteur de:

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère,

Monsieur Laurent BEDOUET, conseiller.

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT dans les conditions de l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Laure POUPET

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

FAITS ET PROCÉDURE:

M. [O] [O] ( ci-après M.[O]), de nationalité qatarie, pilote de l’air, a été associé à la création de la société d’aviation civile Qatar Airways, société de droit qatari, ayant son siège social à Doha (Qatar). Il a occupé au sein de cette société un poste de direction opérationnelle, régi par un accord de gestion, qui a été résilié le 26 novembre 1996.

Le 27 novembre 2000, la cour d’appel de Doha, a statué sur un litige opposant M.[O] à Qatar Airways relativement à la résiliation de cet accord, à l’indemnisation sollicitée par ce dernier et sur les fautes qui lui étaient reprochées dans le cadre de ses fonctions opérationnelles.

En 2010, les actions que M.[O] détenait dans Qatar Airways ont été saisies par la banque qatarie, Ahli Bank.

Estimant avoir été privé par Qatar Airways de son droit à commissions fixé par l’Accord de gestion, de son droit aux dividendes, ainsi que de la rémunération de ses apports en savoir faire, M.[O] a, le 28 avril 2016, fait assigner Qatar Airways Sarl (France), ainsi que Qatar Airways (Qatar) devant le tribunal de commerce de Paris, dont il revendique la compétence, pour voir constater l’irrégularité de l’avis de résiliation de l’Accord de gestion et de la modification de la clause 7 du contrat de Qatar Airways lorsqu’elle était une Sarl, constater son droit aux dividendes, juger que Qatar Airways et sa succursale française ont depuis 1996 commis à son préjudice des détournements de son savoir-faire, dire en conséquence que Qatar Airways et sa succursale française doivent l’indemniser de tout préjudice matériel et moral et désigner avant dire droit un expert avec pour mission d’apprécier les chiffres de vente des tickets de Qatar Airways en France à partir de son établissement à Paris.

Par jugement du 28 novembre 2017, le tribunal de commerce de Paris:

— s’est dit compétent concernant la demande de régularisation des formalités auprès de son greffe, a fait injonction à la société Qatar Airways QCSC de régulariser la situation de sa succursale française auprès du greffe du tribunal de commerce de Paris, tant en ce qui concerne l’adresse de sa succursale (si nécessaire), que sa forme juridique et sa dénomination sociale dans le délai d’un mois à compter de la présente décision devenue définitive,

— s’est déclaré incompétent pour connaître du litige en indemnisation opposant M.[O] à la société Qatar Airways QCSC prise directement ou au travers de sa succursale française et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir,

— a débouté Qatar Airways QCSC et sa succursale de leur demande d’amende civile et de dommages et intérêts, ainsi que M.[O] de sa demande en paiement d’une amende civile et de dommages et intérêts,

— a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile, a débouté les parties de leurs demandes autres, complémentaires ou contraires,

— a condamné in solidum Qatar Airways et Qatar Airways Sarl aux dépens.

M.[O] a relevé appel de ce jugement suivant déclarations des 11 et 12 décembre 2017, qui ont été jointes.

Ainsi, qu’il y a été autorisé par ordonnance du 22 décembre 2017, M.[O] a fait assigner à jour fixe devant la présente cour Qatar Airways QCSC et le principal établissement de Qatar Airways en France. Cet appel a été enregistré sous le numéro RG 17-22329.C’est l’objet de la présente instance.

Par ordonnance du 27 juin 2018, le délégataire du premier président a rejeté la demande de radiation de l’appel de ce jugement fondée sur l’article 526 du code de procédure civile.

Parallèlement, M.[O], se prévalant du jugement du 28 novembre 2017 ayant enjoint à Qatar Airways QCSC de régulariser la situation de sa succursale en France auprès du greffe du tribunal de commerce de Paris a, par requête du 9 avril 2018, saisi le président du tribunal de commerce de Paris pour voir constater le défaut d’exécution de l’injonction résultant dudit jugement et ordonner la radiation de Qatar Airways du registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce de Paris.

Par ordonnance du 11 avril 2018, le juge chargé de la surveillance du registre du commerce et des sociétés au tribunal de commerce de Paris, après avoir visé le jugement du

28 novembre 2017 et constaté qu’il n’existait pas de base légale lui permettant d’ordonner au greffier de procéder à la radiation de la succursale en France de Qatar Airways QCSC, a enjoint à celle-ci de régulariser la situation de sa succursale française quant à sa dénomination et à sa forme juridique et, jugé qu’à défaut de régularisation sous un mois à compter de la notification, une expédition de l’ordonnance sera adressée au procureur de la République conformément à l’article R 123-142 du code de commerce.

Qatar Airways a relevé appel de cette ordonnance le 25 avril 2018. Cette ordonnance ayant été maintenue le 2 mai 2018, l’appel a été transmis à la cour d’appel le 15 mai 2018, où il a été enregistré sous le numéro 18-00202 et qui fait l’objet d’une instance distincte.

Il sera repris ci-après les conclusions communes aux deux procédures déposées par chacune des parties.

Par dernières conclusions notifiées le 26 novembre 2018, dirigées contre Qatar Airways QCSC et le principal établissement de Qatar Airways en France, M.[O] demande à la cour de:

— le juger recevable et fondé en son appel,

— constater que l’irrégularité de la société intimée et la non-exécution du jugement entrepris sont confirmées par une décision définitive, en conséquence, déclarer radié l’appel incident formé par Qatar Airways QCSC à l’encontre du jugement du 28 novembre 2017,

— constater que l’intimée n’a jamais interjeté appel de l’ordonnance du 11 avril 2018, confirmée le 30 mai 2018, et en tant que de besoin, constater la nullité de l’appel, par conséquent, débouter l’intimée de sa demande additionnelle par laquelle elle demande à la cour d’infirmer l’ordonnance du juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés de Paris,

— déclarer irrecevables et mal fondés les conclusions et l’appel incident formé par l’intimé, juger irrecevables ou mal fondées les demandes de l’intimé, débouter l’intimé de l’ensemble de ses demandes,

— infirmer le jugement en son 2ème paragraphe et, statuant à nouveau, faire injonction à Qatar Airways de régulariser sa situation auprès du greffe du tribunal de commerce de Paris tant en ce qui concerne sa forme juridique et sa dénomination sociale, le dépôt de son acte constitutif, des ses actes modificatifs justifiés par les procès-verbaux de l’assemblée générale et de ses documents comptables à partir de 2004 et jusqu’à présent,

— infirmer le jugement en ses 3, 4 et 7èmes paragraphes, en conséquence dire la juridiction française compétente pour connaître du litige et renvoyer la cause et les parties devant le tribunal de commerce de Paris territorialement compétent,

— à titre reconventionnel, au visa de l’article 32-1 du code de procédure civile, condamner l’intimé à 3.000 euros d’amende civile et à lui payer 10.000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 'jugement’ à intervenir,

— subsidiairement, statuant à nouveau, constater que la société adverse au nom de laquelle ont été présentées les conclusions devant le tribunal de première instance, n’est pas bien identifiée, en conséquence, constater le défaut de qualité à agir des représentants de la société dite Qatar Airways, déclarer irrecevables les conclusions de Qatar Airways présentées en première instance, constater que l’adresse de la société Qatar Airways indiquées dans ses conclusions est fictive et erronée, dire que la SA Qatar Airways QCSC et sa succursale française doivent l’indemniser de tout préjudice matériel et moral résultant de la privation de ses droits sociaux et du détournement de son savoir-faire, avant dire droit désigner un expert-comptable avec pour mission de rapporter et d’évaluer le volume de vente de tickets et les chiffres d’affaires de Qatar Airways QCSC sur le territoire français depuis l’année 2000, l’autoriser 'de faire intervention de la SARL Qatar Airways en France ( qui est devenue au 1er décembre 2017 ' Qatar Airways ' et ses représentants Monsieur [L] [D], [L] [S] et Madame [U] [M] afin de les condamner conjointement et solidairement, avec la SA Qatar Airways QCSC à l’intégralité des demandes, débouter l’intimé dans l’entier de leurs demandes',

— en tout état de cause, condamner l’intimée à lui verser 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, avec recouvrement direct au profit de Maître Lotfi Ouled Ben Hafsia, avocat au barreau de Paris.

Par dernières conclusions notifiées le 6 décembre 2018, Qatar Airways Group QCSC, société de droit qatari ayant son siège social à Doha (Qatar) et son principal établissement en France au [Adresse 2] demande à la cour de confirmer le jugement du 28 novembre 2017, sauf en ce qu’il a débouté Qatar Airways de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive, de l’infirmer en ce qu’il a débouté Qatar Airways de ses demandes pour procédure abusive,d’infirmer l’ordonnance du juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés de Paris, de déclarer irrecevable la pièce n°42 en langue arabe, versée par l’appelant, en conséquence, de dire que les demandes de M.[O] constituent un abus du droit d’ester en justice, que la situation de la succursale française de Qatar Airways auprès du registre du commerce et des sociétés de Paris est régulière, de condamner M.[O] à une amende civile de 3.000 euros et à payer à Qatar Airways 20.000 euros de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 'jugement’ à intervenir, en tout état de cause de le condamner à 55.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposés des demandes et moyens des parties, il est expressément référé aux écritures des parties, en application de l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

— Sur l’appel principal

— sur la recevabilité des conclusions en défense en première instance:

Au soutien de son appel, M.[O] argue en premier lieu de l’irrégularité du jugement au visa de l’article 79 du code de procédure civile, en ce qu’il a omis pour trancher l’exception d’incompétence de statuer sur les questions de fond dont dépendait la détermination de la compétence, à savoir la réalité de la domiciliation de Qatar Airways QCSC en France, en ce qu’il ne statue pas dans le dispositif sur l’irrecevabilité des écritures de la société adverse, sur la nullité des conclusions de première instance et la méconnaissance des conséquences légales de ces irrégularités.

La société Qatar Airways QCSC sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a accueilli son exception d’incompétence, rappelle qu’elle est une société commerciale de droit qatari ayant son siège social au Qatar, que depuis 2002 sa forme juridique correspond en anglais à 'Qatari Close Shareholding Company’ ayant pour acronyme 'Q.C.S.C', soit une société par actions fermée, toutes ses actions étant depuis 2013 détenues par l’Etat du Qatar et que depuis une décision de l’assemblée générale du 12 juin 2017, enregistrée le

11 mars 2018, sa dénomination sociale est 'Qatar Airways Group’ et non plus Qatar Airways.

Elle soutient qu’elle ne dispose d’aucune filiale en France, son établissement parisien n’étant qu’une succursale, qu’aucun critère de rattachement national ou international ne permet de fonder la compétence des juridictions françaises, dès lors que le domicile de Qatar Airways se trouve au lieu de son siège social au Qatar, que la théorie dite des gares principales ne permet pas de justifier la compétence territoriale des juridictions françaises, dès lors que les demandes indemnitaires de l’appelant n’ont aucun lien avec sa succursale parisienne, que les actes sur lesquels l’appelant fonde ses demandes indemnitaires prévoient des clauses d’élection de domicile de for au profit des juridictions qataries, et que les conventions internationales invoquées sont inapplicables soit parce que l’Etat du Qatar n’y est pas partie, soit parce que leur objet n’a aucun lien avec les prétentions de M.[O].

En l’espèce, le jugement examine bien dans ses motifs la demande de M.[O] tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions des défendeurs soulevant l’exception d’incompétence, et la rejette sans toutefois effectivement reprendre ce point dans son dispositif.

Le fait de ne pas reprendre dans le dispositif un point tranché dans la motivation s’analyse en une omission de statuer qu’il appartient en cas d’appel à la cour de réparer en application de l’article 462 du code de procédure civile. Il n’y a pas lieu à réformation de ce chef.

M.[O] invoque ensuite la nullité des conclusions de Qatar Airways en première instance, tirée de l’absence de précisions sur la forme sociale du défendeur, sa dénomination, ses organes représentant la société et soutient que c’est par des motifs impropres que le tribunal a écarté l’application impérative de l’article 59 du code de procédure civile, le débat ne portant pas à cet égard sur la capacité de la société à ester en justice.

Il fait valoir que ces omissions n’ont aucunement été régularisées avant le jugement, qu’en l’absence de ces mentions obligatoires, il n’est pas en mesure de vérifier la capacité d’ester en justice de la société, ni le pouvoir de son représentant légal, de sorte que les écritures adverses étaient entachées d’une irrégularité de fond affectant leur validité, ajoutant que ces omissions avaient pour but de dissimuler de graves irrégularités de la personne morale, ainsi que sa véritable identité, que Qatar Airways QCSC est une société par actions représentée par un président du conseil des directeurs tandis que son extrait Kbis fait état d’une société à responsabilité limitée représentée par des gérants, qu’en tout état de cause même s’il était jugé qu’il s’agit de vices de forme, il lui font grief en ce qu’ils perturbent sa défense, l’empêchant de pouvoir soulever les arguments relatifs à la forme de la société et au défaut de pouvoir du représentant de la partie adverse en raison du défaut d’identification de la personne morale.

Aux termes de l’article 59 du code de procédure civile, le défendeur doit, à peine d’être déclaré, même d’office irrecevable, en sa défense, faire connaître s’il s’agit d’une personne morale, sa forme, sa dénomination sociale, son siège social et l’organe le représentant.

Il résulte du jugement que les écritures en défense faisaient référence à une société Qatar Airways sans préciser ni sa forme juridique, ni la modification apportée à sa dénomination. Toutefois lors de cette procédure orale, la défenderesse a précisé que son appellation était Qatar Airways QCSC, son siège social étant à Doha au Qatar et qu’elle était représentée par son représentant légal, que sa forme juridique était celle correspondant à l’acronyme QCSC 'Qatari Close Shareholding Company'.

M.[O] n’établit pas la réalité des griefs allégués après régularisation de ces omissions, la société défenderesse étant identifiable. Les différents extraits du Kbis démontrent d’ailleurs qu’elle a toujours disposé du même numéro d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés de Paris. Les procédures antérieurement engagées au Qatar et en Egypte à l’encontre de Qatar Airways établissent que M.[O] identifie bien la société qu’il doit rechercher dans le cadre du litige l’opposant à Qatar Airways. Cette société, telle qu’identifiée dans la présente instance, n’a d’ailleurs pas opposé à M.[O] le fait qu’elle n’était pas la personne morale concernée par le litige, la modification de sa dénomination et de sa forme laissant subsister sa personnalité morale.

Au vu de la régularisation intervenue, le tribunal a pu en déduire dans sa motivation que les conclusions en défense étaient recevables. La cour dira en conséquence recevables les conclusions de la société défenderesse en première instance.

A titre subsidiaire, M.[O] soulève le défaut de qualité à agir des représentants de la société dite Qatar Airways, sans toutefois établir en quoi le représentant légal de Qatar Airways, n’aurait pas qualité à agir en défense dans cette instance. Cette fin de non recevoir sera rejetée.

Le tribunal s’est reconnu compétent concernant les demandes relatives à la régularisation de la situation de la succursale française de Qatar Airways QCSC au greffe du tribunal de commerce de Paris et incompétent pour connaître du litige d’indemnisation opposant

M.[O] à la société Qatar Airways QCSC prise directement ou indirectement au travers de sa succursale française.

— sur l’appel portant sur les dispositions relatives à la régularisation de la situation de Qatar Airways au registre du commerce et des sociétés

Bien que la seconde déclaration d’appel régularisée par M.[O],le 13 décembre 2017 vise également la disposition du jugement ayant déclaré le tribunal de commerce de Paris compétent pour connaître des demandes relatives à la régularisation de la situation de Qatar Airways QCSC au greffe du dit tribunal, ses conclusions ne sollicitent que l’infirmation du jugement en son '2ème paragraphe',' lequel ' fait injonction à la société Qatar Airways QCSC de régulariser la situation de sa succursale française auprès du greffe du tribunal de commerce de Paris: tant en ce qui concerne l’adresse de sa succursale (si nécessaire), que sa forme juridique et sa dénomination sociale dans le délai d’un mois à compter de la présente décision devenue définitive', de sorte qu’il y a lieu de considérer que l’appelant ne conteste pas la compétence sur ce point particulier devant la cour. L’intimée pour sa part ne sollicite l’infirmation du jugement, qu’en ce qu’il a rejeté sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et d’amende civile.

M.[O] demande à la cour d’infirmer le jugement en son '2ème paragraphe’ et statuant à nouveau, de faire injonction à Qatar Airways de régulariser sa situation auprès du greffe du tribunal de commerce de Paris tant en ce qui concerne sa forme juridique et sa dénomination sociale, le dépôt de son acte constitutif, de ses actes modificatifs justifiés par les procès-verbaux de l’assemblée générale et de ses documents comptables à partir de 2004 et jusqu’à présent.

Le tribunal de commerce, après avoir relevé que l’extrait Kbis de la succursale de Qatar Airways ne faisait pas mention des modifications intervenues tant en ce qui concerne la forme juridique que la dénomination, que l’adresse de la succursale a enjoint à la société Qatar Airways QCSC de régulariser la situation de sa succursale française auprès du greffe du tribunal de commerce de Paris, tant en ce qui concerne l’adresse de sa succursale (si nécessaire), que sa forme juridique et sa dénomination sociale dans le délai d’un mois à compter de la présente décision devenue définitive, de sorte que le jugement a déjà pour l’essentiel fait droit aux demandes de M.[O], ce dernier s’étant d’ailleurs fondé sur cette décision pour introduire sa requête devant le juge chargé de la surveillance du registre du commerce et des sociétés.

Le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés n’a pas à l’occasion de cette requête jugé nécessaire d’enjoindre Qatar Airways de régulariser sa situation sur d’autres mentions que celles fixées par le jugement.

L’injonction délivrée par le tribunal répond aux nécessités de la procédure dont il a été saisi, sans qu’il y ait lieu d’y ajouter. M.[O] sera en conséquence débouté de sa demande d’infirmation du ' 2ème paragraphe'.

— sur l’appel relatif à la compétence du tribunal de commerce de Paris pour connaître du litige en indemnisation:

Pour faire droit à l’exception d’incompétence soulevée par Qatar Airways, le tribunal de commerce, après avoir écarté le moyen pris de l’existence dans les statuts d’une clause attributive de compétence au profit des juridictions qataries, a retenu que Qatar Airways devait être considérée, en application de l’article 2 alinéa 3 de la Convention de la Haye de 1956, comme ayant son siège social au Qatar, dès lors que son administration, son conseil d’administration se situent au Qatar, que les décisions concernant la gestion de la société sont prises dans ce pays, que le lieu d’établissement de la personne morale, visé par l’article 43 du code de procédure civile, est habituellement son siège social, que si Qatar Airways QCSC possède une succursale en France, ayant une activité commerciale, l’objet du litige est sans rapport avec cette activité et concerne ses droits d’actionnaire dans la société mère qatarie tant au titre des dividendes que de la rémunération du savoir-faire auxquels prétend M.[O], de sorte qu’il ne peut être fait application de la jurisprudence dite 'des gares principales'. Le tribunal a par ailleurs jugé que M.[O], non résident en France, ne pouvait invoquer l’article 14 du Pacte international de New York conclu le 16 octobre 1966.

Pour arguer de la compétence du tribunal de commerce de Paris relativement à ses demandes d’indemnisation l’opposant à Qatar Airways, M.[O] se fonde sur différents moyens qu’il convient d’examiner successivement.

— sur la compétence au titre du domicile en France de la société défenderesse

Aux termes de l’article 42 code de procédure civile, la juridiction compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur. L’article 43 du même code dispose que le lieu où demeure le défendeur, s’il s’agit d’une personne morale s’entend du lieu où celle-ci est établie.

Le lieu d’établissement d’une société est en principe son siège social à moins que celui ne soit fictif.

Il n’est pas justifié que Qatar Airways dispose d’une filiale en France pour l’exploitation de son activité de transport aérien, les parties n’évoquant que l’existence d’une succursale ou d’un établissement en France, non doté de la personnalité morale.

Il est établi que Qatar Airways est une société de droit qatari, dont le siège social est depuis l’origine fixé à Doha (Qatar) à la Qatar Airways Tower Airport Road. Il n’est produit aucun élément permettant de caractériser la fictivité de ce siège social, sachant que la société a été créée au Qatar par des associés de nationalité qatarie, qu’ultérieurement le gouvernement de l’Etat du Qatar en est devenu le seul actionnaire et que, comme l’a exactement retenu le tribunal, son administration, ses organes de gestion et le lieu de prise des décisions sont au Qatar. La désignation de responsables de la société en France et en divers autres pays pour gérer ses différentes succursales à l’étranger afin de réaliser son activité de transport aérien ne suffit nullement à remettre en cause la réalité du siège social fixé à Doha.

Pour justifier d’une domiciliation de la société en France, l’appelant se prévaut également de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés de son établissement à Paris et de l’article L 123-11,1er alinéa du code de commerce.

L’article L 123-11,1er alinéa du code de commerce dispose que ' Toute personne morale demandant son immatriculation au registre du commerce et des sociétés doit justifier de la jouissance du ou des locaux où elle installe, seule ou avec d’autres, le siège de l’entreprise, ou lorsque celui-ci est situé à l’étranger, l’agence, la succursale ou la représentation établie sur le territoire français'.

Il ne saurait être déduit de ce texte et de l’immatriculation de Qatar Airways au registre du commerce et des sociétés de Paris l’existence d’un siège social en France, l’article L123-11 du code de commerce prévoyant simplement la nécessité pour la société, lorsque son siège social est comme en l’espèce situé à l’étranger, de justifier d’un point d’attache sur le territoire français, notamment par le biais d’une succursale, ce qui est précisément le cas.

— sur la compétence tirée de la représentation de la société en France

M.[O], qui a saisi le tribunal de commerce de Paris en visant la 'SA Qatar Airways QCSC domiciliée en France par sa représentation au [Adresse 2], prise en la personne de ses représentants en France, domiciliés au dit siège en cette qualité et le principal établissement de Qatar Airways en France, immatriculé au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 433 324 704, domiciliée au [Adresse 2]', fait valoir que Qatar Airways dispose en France d’une succursale dotée d’un pouvoir de représentation juridique au travers de ses représentants en France.

En vertu de la jurisprudence dite 'des gares principales’ une personne morale peut être assignée devant une juridiction dans le ressort de laquelle elle dispose d’une succursale ayant les pouvoirs de la représenter à l’égard des tiers, dès lors que le litige se rapporte à son activité ou que les faits générateurs de responsabilité se sont produits dans le ressort de celle-ci.

Il ressort des différents extraits Kbis que Qatar Airways dispose depuis son immatriculation au registre du commerce et des sociétés de Paris, d’un ou plusieurs ' responsables’ en France, domiciliés en France. En janvier 2017, il s’agissait de M.[L] [D] et de M.[S] [L], puis suivant l’extrait Kbis à jour au 5 septembre 2018, de Mme [O] [N].

Les différents extraits Kbis versés au débat mentionnent également le nom du responsable de la société à l’étranger, M.[F], de nationalité qatarie, domicilié au Qatar.

La mention de ces responsables au registre du commerce et des sociétés, sous l’intitulé 'Gestion, direction, administration, contrôle, associés ou membres, ne suffit pas à elle seule à caractériser l’existence d’une représentation juridique de la société à l’égard des tiers, cette terminologie large pouvant correspondre en interne à des niveaux de responsabilité très différents.

Dans la pièce 19 produite par l’appelant, intitulée 'Legal Information (EU)' en date du

24 janvier 2017, ayant pour objet de préciser le nom des 'Power of Attorney’ et 'Office Manager’ de la société Qatar Airways dans les pays européens, M.[D] [L] est mentionné, pour la France, comme 'Power of Attorney’ et 'Office Manager’ de la société, ce qui permet de penser qu’il était responsable administratif, mais aussi doté d’une procuration ou d’une délégation de pouvoir.

Il n’est toutefois pas justifié de l’existence d’un pouvoir de représentation juridique de la société à l’égard des tiers à la date de l’assignation, le 28 avril 2016, qui est à prendre en compte pour apprécier la compétence de la juridiction saisie. En effet, dans l’annonce que Qatar Airways avait fait publier au Bodacc le 7 avril 2016, c’est M.[S] [L] qui, sous le seul intitulé 'Administration’ est mentionné comme responsable en France de QatarAirways.

Même à supposer le responsable en France investi au jour de l’assignation d’un pouvoir de représentation juridique de Qatar Airways à l’égard des tiers, encore faut-il, pour fonder la compétence du tribunal de commerce de Paris, établir que le litige à l’origine de la saisine se rapporte à l’activité de Qatar Airways dans ressort de cette juridiction ou que les faits générateurs de responsabilité se soient produits dans ledit ressort.

M.[O] affirme qu’il suffit pour que l’affaire relève de la juridiction du lieu de sa représentation, que le litige soit né des activités générales de la société.

Cependant, ainsi que l’a relevé le tribunal et le soutient l’intimée, le litige ne trouve son origine ni dans les activités générales de la société, ni dans l’existence de faits générateurs en France. En effet, l’assignation que M.[O] a fait délivrer a pour objet de faire juger que la résiliation de l’Accord de Gestion auquel il était partie n’est pas conforme aux dispositions contractuelles et notamment à l’article 7 du contrat de société, que la modification de cet article n’a pas respecté la condition d’unanimité fixée, qu’il a droit à percevoir la commission de gestion prévue par l’Accord de gestion, ainsi que des dividendes de Qatar Airways, que la société Qatar Airways et sa succursale française ont commis des détournements de son savoir-faire et doivent l’indemniser de tout préjudice matériel et moral.

Il s’appuie sur l’Acte constitutif conclu le '1414 Hijra’ ( correspondant à l’année 1993 du calendrier grégorien) par lequel, les actionnaires dont M.[B] [O] faisait partie, ont convenu de former une société à responsabilité limitée qatarie pour notamment le transport de passagers, de marchandises et de du courrier, et qui en son article 7, en sa rédaction initiale, l’a désigné 'CEO’ (chief executive Officer), fonction dont il a été ultérieurement privé, avant que ses actions dans la société ne soient saisies.

Il ne s’agit donc aucunement d’un litige relatif à l’activité commerciale de la succursale en France ou découlant du fonctionnement de cette succursale, les agissements dénoncés par M.[O], dont il soutient qu’ils l’ont irrégulièrement privé de ses fonctions au sein de la société et de sa qualité d’associé, ne résultant pas de faits commis par la succursale de Qatar Airways en France, mais de décisions prises au Qatar.

La demande de désignation d’un expert judiciaire avec pour mission d’apprécier le nombre de tickets vendus en France par Qatar Airways n’est pas non plus de nature à justifier au cas d’espèce l’application de la théorie 'des gares principales', s’agissant d’une mesure sollicitée avant dire droit sur le préjudice, qui s’inscrit dans le cadre de l’action au fond.

La compétence du tribunal de commerce de Paris pour juger ce litige ne peut davantage résulter de la compétence reconnue à cette juridiction pour examiner la conformité des déclarations faites par Qatar Airways au registre du commerce et des sociétés de Paris, au regard des exigences du code de commerce français.

Quant à l’article R123-105 du code de commerce, qui impose de déposer les actes modificatifs au registre du commerce et des sociétés dans le délai d’un mois, il ne concerne que la question de la régularité de l’inscription au dit registre, et il est inopérant pour caractériser un pouvoir de représentation du responsable de Qatar Airways en France à l’égard des tiers.

Par conséquent, c’est exactement que les premiers juges ont considéré que M.[O] ne pouvait fonder la compétence du tribunal de commerce de Paris sur la théorie dite des gares principales.

— sur la compétence tirée des articles 46 du code de procédure civile et 7-2 du Réglement EU n°1215/2012

M.[O] se prévaut de l’article 46 du code de procédure civile, selon lequel le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur[….] en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi, ainsi que de l’article 7-2 du Règlement de Bruxelles du 12 décembre 2012 en vertu duquel « Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre: 2) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire. »

Qatar Airways réplique à juste titre que ce moyen est inopérant puisque les demandes indemnitaires sont fondées sur une violation d’un contrat auquel M.[O] était partie et que ce dernier, étant domicilié à [Adresse 4] aux Emirats Arabes Unis, qui n’est pas un Etat membre de l’Union Européenne, ne peut se prévaloir de ces dispositions.

— sur la compétence tirée de l’article 16-2 de la Convention de Bruxelles et de l’article 22-2 de la Convention de Lugano

M.[O] soutient la compétence des juridictions françaises sur le fondement des articles 16-2 de la Convention de Bruxelles et 22-2 de la Convention de Lugano selon lesquels:

' Sont seuls compétents, sans considération de domicile,

[….]

2- en matière de validité, de nullité ou de dissolution des sociétés ou des personnes morales ayant leur siège sur le territoire d’un Etat lié par la présente convention, ou la validité des décisions de leurs organes, les tribunaux de cet Etat. Pour déterminer le siège, le juge applique les règles de son droit international privé'.

Le siège social de Qatar Airways étant situé au Qatar, dans un Etat qui n’est pas lié par ces conventions, ce fondement est inopérant.

— sur la compétence tirée de l’Accord franco-qatari sur l’encouragement et la protection des investissements

La loi 99-981 du 1er décembre 1999 a autorisé l’approbation de l’accord franco-qatari signé à Doha le 8 juillet 1996 sur l’encouragement et la protection réciproque des investissements.

M.[O] invoque l’article 1-1 al. 3 de cet Accord aux termes duquel « Toute modification de la forme d’investissement des avoirs n’affecte pas leur qualification d’investissement à condition que cette modification ne soit pas contraire à la législation de la Partie contractante sur territoire ou dans la zone maritime de laquelle l’investissement est réalisé. », ainsi que l’article 3 selon lequel 'Chaque partie contractante s’engage à assurer un traitement juste et équitable conformément aux principes du droit international aux investissements des investisseurs de l’autre Partie réalisés sur son territoire et dans sa zone maritime en conformité avec sa législation et à faire en sorte que l’exercice du droit ainsi reconnu ne soit entravé ni en droit ni en fait'.

Pour justifier l’application de ces dispositions à son action devant le tribunal de commerce de Paris, il argue des investissements, en termes de fonds et de savoir-faire qu’il a réalisés au profit de Qatar Airways, société qu’il considère domiciliée sur le territoire français, investissements qu’il convient de protéger.

Cependant, la société intimée relève à juste titre que cet accord n’a pas pour objet de régir les rapports entre ressortissants qataris, mais d’encadrer et protéger les relations entre un investisseur établi dans l’un de ces pays pour les investissements réalisés dans l’autre pays.

En outre, M.[O] a investi dans la société Qatar Airways dont le siège social est au Qatar et non pas directement sur le territoire français, de sorte qu’il ne peut se prévaloir de cet accord pour fonder la compétence des juridictions françaises, étant surabondamment relevé que l’article 8 de l’Accord prévoit la compétence exclusive des juridictions arbitrales et non des juridictions étatiques.

— sur la compétence tirée de la Convention franco-qatarie en vue d’éviter les doubles impositions modifiée par l’avenant du 14 janvier 2008

Cette convention s’applique aux personnes qui sont des 'résidents d’un Etat ou des deux Etats’ .

M.[O] ne réside ni en France, ni au Qatar.

Est par ailleurs inopérant le moyen pris de ce qu’au sens de la Convention, Qatar Airways est résidente en France en ce qu’elle disposerait sur le territoire français d’un siège de direction incarné par ses deux représentants figurant sur l’extrait Kbis, ainsi que d’une succursale 'indépendante de sa location et de sa gérance', dès lors que cette convention destinée à éviter une double imposition des différentes sources de revenus perçus en France et au Qatar par un résident de ces pays, n’a qu’une vocation fiscale, sans lien avec l’objet du litige dont M.[O] a saisi le tribunal de commerce de Paris.

— Sur la compétence tirée de la Convention de La Haye sur la reconnaissance de la personnalité juridique des sociétés, associations et fondations étrangères (1956)

Cette Convention a pour objet d’établir des dispositions communes concernant la reconnaissance de la personnalité juridique des personnes morales étrangères.

L’appelant invoque l’article 1er de la Convention aux termes duquel « La personnalité juridique, acquise par une société, une association ou une fondation en vertu de la loi de l’Etat contractant où les formalités d’enregistrement ou de publicité ont été remplies et où se trouve le siège statutaire, sera reconnue de plein droit dans les autres Etats contractants, pourvu qu’elle comporte, outre la capacité d’ester en justice, au moins la capacité de posséder des biens et de passer des contrats et d’autres actes juridiques. (') » outre, l’article 5 qui dispose que « La personnalité emportera, en tout cas, la capacité d’ester en justice, soit en qualité de demandeur, soit en qualité de défendeur, en conformité des lois du territoire. »

Il prétend pouvoir se prévaloir de ces dispositions en vertu de l’article 2 qui précise « Toutefois, la personnalité, acquise conformément aux dispositions de l’article premier,pourra ne pas être reconnue dans un autre Etat contractant dont la loi prend en considération le siège réel, si ce siège y est considéré comme se trouvant sur son territoire.

La personnalité pourra ne pas être reconnue dans un autre Etat contractant dont la loi prend en considération le siège réel, si ce siège y est considéré comme se trouvant dans un Etat dont la loi le prend également en considération.

La société, l’association ou la fondation est considérée comme ayant son siège réel au lieu où est établie son administration centrale. [….].'

Il relève que le droit français connait le terme de 'siège réel’ défini comme 'siège de la direction effective’ selon la jurisprudence, et duquel découle la nationalité d’une entreprise et que la ' SARL Qatar Airways’ et son administration centrale n’existent qu’en France, puisqu’aucune société ayant la même dénomination n’existe au Qatar, en dépit du fait que le siège statutaire de la société se situe au Qatar.

Toutefois, cette Convention

n’engage que les Etats signataires, dont ne fait pas partie l’Etat du Qatar, et n’est donc pas applicable au litige. Au demeurant, il a été établi que la société Qatar Airways a son siège social au Qatar d’où elle est réellement administrée, de sorte que son domicile n’est pas situé en France.

— Sur la compétence tirée du droit à un procés équitable

L’appelant invoque son droit à un procès équitable, fondé sur l’article 14 alinéa 1 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques conclu à New York le 16 décembre 1966, sur l’article 6§1 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales selon lesquels 'Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial…[….]', ainsi que sur l’article 1er du protocole additionnel à cette Convention, du 4 novembre 1950, aux termes duquel ' Toute personne a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international'.

Il argue de l’impossibilité de porter son procès devant la juridiction qatarie du fait d’un manque d’indépendance et d’impartialité au regard du rôle de l’Etat du Qatar dans la société Qatar Airways, du fait que la nationalisation de la société a rendu impossible d’assigner la société adverse devant une juridiction du Qatar, qu’étant privé de ses droits de gérant et d’actionnaire, ses biens sont en péril dans chaque lieu où Qatar Airways exerce son activité commerciale et spécialement en France où l’activité y est importante.

L’intimée réplique que les rapports entre une société qatarie et un associé de celle-ci, non résident d’un pays signataire, ne relèvent pas du champ d’application de ces conventions et en tout état de cause que M.[O] n’a pas été privé du droit de faire entendre sa cause au Qatar.

M.[O] ne peut se prévaloir des dispositions de ces conventions internationales qui n’ont pas été signées par l’Etat du Qatar. Il sera par ailleurs relevé que M.[O] a pu porter devant les juridictions qataries, en première instance puis en appel, une demande en paiement des sommes qu’il estimait lui être dues en vertu du contrat signé le 5 janvier 2013 le chargeant de la direction de la société Qatar Airways, contrat résilié en 1996, la cour d’appel de Doha s’étant prononcée par décision du 27 novembre 2000.

Aucun des moyens invoqués par M.[O] n’ayant permis de fonder la compétence du tribunal de commerce de Paris, le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit le tribunal de commerce de Paris incompétent pour connaître du litige en indemnisation l’opposant à la société Qatar Airways QCSC, désormais dénommée Qatar Airways Group.

Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de dommages et intérêts et d’amende civile présentées par M.[O], Qatar Airways ayant été reconnue fondée en son exception d’incompétence et aucune preuve n’étant par ailleurs rapportée de ce que le retard pour actualiser les mentions figurant au registre du commerce et des sociétés procède d’une volonté délibérée ou d’une intention de cacher la réalité de sa situation, ni du préjudice qui en serait résulté pour M.[O], cette situation n’ayant pas privé M.[O] de la possibilité, qui ne lui était en tout état de cause pas ouverte, de faire juger le litige par la tribunal de commerce de Paris.

— Sur l’appel incident

Qatar Airways sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et d’amende civile.

L’appel incident de Qatar Airways sera déclaré recevable, mais rejeté, la cour faisant siens les motifs du tribunal selon lesquels M.[O] a pu se méprendre sur la possibilité de faire valoir ses droits devant le tribunal de commerce de Paris, eu égard à l’existence d’une succursale de Qatar Airways en France , y ajoutant que l’appelant avait soulevé à juste titre en première instance que les déclarations figurant au registre du commerce et des sociétés de Paris de Qatar Airways à cette date ne correspondaient pas à la dénomination et à la forme juridique actuelles de la société.

— Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Les dépens seront supportés par M.[O], partie perdante en appel.

Aucune considération d’équité ne justifie de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque.

PAR CES MOTIFS

Dit recevables les conclusions de la société défenderesse en première instance

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [O] [O] aux dépens d’appel.

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La présidente,

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 8, 3 octobre 2019, n° 17/22329