Cour d'appel de Lyon, 13 octobre 2016, n° 14/06153

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Chronologie de l’affaire

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Lyon, 3ème Chambre A, 13 octobre 2016, n° 14/06153 Obs. G. Casu, Maître de conférences à l'Université Lyon 3 En février 2012, une société contracte un prêt de 30 000 euros cautionné par ses deux cogérants. Quelques mois plus tard, le tribunal de commerce de Lyon prononce la liquidation judiciaire de la société. La banque déclare sa créance le 2 juillet et, dès le lendemain, met en demeure les gérants de lui régler cette dette au titre de leur engagement de caution. En l'absence d'exécution volontaire, la banque assigne les cautions en paiement. Dans le cadre de cette instance, les …

 

bacaly.univ-lyon3.fr

Lyon, 3ème Chambre A, 13 octobre 2016, n° 14/06153 Obs. G. Casu, Maître de conférences à l'Université Lyon 3 En février 2012, une société contracte un prêt de 30 000 euros cautionné par ses deux cogérants. Quelques mois plus tard, le tribunal de commerce de Lyon prononce la liquidation judiciaire de la société. La banque déclare sa créance le 2 juillet et, dès le lendemain, met en demeure les gérants de lui régler cette dette au titre de leur engagement de caution. En l'absence d'exécution volontaire, la banque assigne les cautions en paiement. Dans le cadre de cette instance, les …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 13 oct. 2016, n° 14/06153
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 14/06153
Décision précédente : Tribunal de commerce de Lyon, 9 juin 2014, N° 2012j1950

Texte intégral

R.G : 14/06153

Décision du

Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 10 juin 2014

RG : 2012j1950

ch n°

D’ELBEE

EQUISOAIN

C/

SA CIC IBERBANCO

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

3e chambre A

ARRET DU 13 Octobre 2016

APPELANTS :

Jean-François D’ELBÉE

né le XXX à XXX)

demeurant

TILSITER WEG 3

XXX

Représenté par la SELARL ALTYS ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

Christophe EQUISOAIN

né le XXX à XXX)

XXX

XXX

XXX

XXX

Représenté par la SELARL ALTYS ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

CIC IBERBANCO

sociaté anonyme à Directoire et Conseil de
Surveillance

immatriculée au RCS de PARIS sous le n° B 384 122 123

représentée par ses dirigeants légaux en exercice

siège social :

XXX

XXX

Représentée par la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-RINCK, avocat au barreau de LYON

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 8 mars 2016

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 27 Juin 2016

Date de mise à disposition : 29 septembre 2016 puis prorogée au 13 Octobre 2016

Composition de la Cour lors des débats :

— Christine DEVALETTE, président

— Hélène HOMS, conseiller

— Pierre BARDOUX, conseiller

assistés pendant les débats de Jocelyne PITIOT, greffier

en présence lors des débats de Gilles VASQUEREZ, juge consulaire au tribunal de commerce de
Saint-Etienne

Composition de la Cour lors du délibéré :

— Christine DEVALETTE, président

— Hélène HOMS, conseiller

— Pierre BARDOUX, conseiller

A l’audience, Hélène HOMS a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Christine DEVALETTE, président, et par
Jocelyne PITIOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 15 février 2012, la S.A. CIC IBERBANCO a prêté à la S.A.R.L. FISHBIZ la somme de 30.000 au taux de 4,5 % remboursable en 84 mensualités de 417 .

Jean-François d’ELBÉE et Christophe EQUISOAIN se sont portés cautions solidaires de la société
FISHBIZ, dont ils étaient les cogérants, dans la limite de 18.000 ou de 15.000 , couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités de retard dans la limite de 9 ans.

Le 13 juin 2012, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé la liquidation judiciaire de la société
FISHBIZ et le 2 juillet 2012, le CIC a déclaré ses créances au titre du prêt de 30.000 et au titre du compte courant pour un montant de 29.778,01 .

Le 3 juillet 2012, le CIC a mis en demeure Jean-François d’ELBÉE et Christophe EQUISOAIN de lui régler chacun la somme de 18.000 au titre de leur caution.

Par acte en date du 18 juillet 2012, le CIC a fait assigner les cautions en paiement.

Par jugement en date du 10 juin 2014, auquel il est expressément fait référence pour plus de précisions sur les faits, les prétentions et moyens des parties, le tribunal de commerce de Lyon a :

— dit que le contrat de prêt signé entre le CIC et la société FISHBIZ n’est pas caduc,

— condamné Jean-François d’ELBÉE et Christophe
EQUISOAIN, à payer chacun au CIC la somme de 14.899,01 avec intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2012, date de la première mise en demeure, en application de l’article 1153 du code civil,

— rejeté les demandes de Jean-François d’ELBÉE et Christophe EQUISOAIN comme non fondées,

— a condamné Jean-François d’ELBÉE et
Christophe EQUISOAIN à payer chacun la somme de 1000 au CIC sur le fondement de l’article 700 code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance,

— dit n’y avoir pas lieu à exécution provisoire.

Par déclaration reçue le 21 juillet 2014,
Jean-François d’ELBÉE et Christophe EQUISOAIN ont relevé appel de ce jugement.

Par conclusions déposées le 10 février 2015,
Jean-François d’ELBÉE et Christophe EQUISOAIN ont saisi la cour d’une question prioritaire de constitutionnalité.

Par arrêt avant dire droit, en date du 8 octobre 2015, la présente cour a ordonné le sursis à statuer dans l’attente du résultat de la transmission de cette question prioritaire de constitutionnalité.

Par arrêt du 12 janvier 2016, la Cour de cassation a dit n’y avoir lieu de renvoyer au Conseil

constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

Dans le dernier état de leurs conclusions déposées le 19 juin 2015, Jean-François d’ELBÉE et
Christophe EQUISOAIN demandent à la cour de :

vu la décision à intervenir du Conseil constitutionnel

— constater l’inconstitutionnalité des articles L 624-2 et L 624-3-1 du code de commerce, tels qu’interprétés par la jurisprudence exposée dans l’arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 22 octobre 1996 (pourvoi n° 94-14570),

surabondamment

— dire et juger que les articles L 624-2 et L 624-3-1 du code de commerce, tels qu’interprétés par la jurisprudence exposée dans l’arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 22 octobre 1996 (pourvoi n° 94-14570), sont contraires aux engagements internationaux de la
République,

— subséquemment, en écarter l’application,

en toute hypothèse

— poser au juge administratif la question préjudicielle suivante :

' Les articles R. 624-3 et R. 624-8 du code de commerce, en ce que, tels qu’interprétés par la jurisprudence exposée dans l’arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 22 octobre 1996 (pourvoi n° 94-14570), ils rendent la caution irrecevable à contester, dans tout litige postérieur l’opposant au créancier principal, les créances admises au passif du débiteur en liquidation judiciaire, alors même que les décisions relatives à l’admission des créances sont notifiées au créancier mais non à la caution, sont-ils conformes :

* au droit à un procès équitable (découlant de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et prévu par les articles 6 § 1 de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des Libertés fondamentales et 14 § 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques), qui implique notamment l’égalité des armes '

* au droit à un recours juridictionnel effectif (découlant de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et prévu par les articles 13 de la Convention et 2 § 3 point a) du
Pacte '

* au droit à l’égalité prévu par les articles 1 er et 6 de la Déclaration et par l’article 1er de la
Constitution), seul comme en combinaison avec les droits précités'

* au droit à la non-discrimination (prévu par les articles 14 de la Convention et 26 du Pacte), seul comme en combinaison avec les droits précités ' »

— dire et juger qu’ils sont recevables à se prévaloir de la caducité du contrat de crédit du 15 février 2012 tout entier, en ce compris les cautionnements,

Sur le fond,

— dire et juger que le contrat de crédit du 15 février 2012 tout entier est caduc, en ce compris les cautionnements qu’ils ont consentis,

— débouter le CIC de l’intégralité de ses demandes ;

à titre subsidiaire

— dire et juger manifestement disproportionné aux biens et revenus de Jean-François d’ELBÉE l’engagement exigé de lui dans le cautionnement du 15 février 2012,

— dire et juger que le CIC ne peut pas se prévaloir du cautionnement du 15 février 2012 à l’égard de
Jean-François d’ELBÉE et le débouter de l’intégralité des demandes formées à l’encontre de ce dernier,

— dire et juger manifestement disproportionné aux biens et revenus de Christophe EQUISOAIN l’engagement exigé de lui dans le cautionnement du 15 février 2012,

— dire et juger que le CIC ne peut pas se prévaloir du cautionnement du 15 février 2012 à l’égard de
Christophe EQUISOAIN, et le débouter l’intégralité des demandes formées à l’encontre de ce dernier,

à titre plus subsidiaire

— limiter le montant total des condamnations prononcées à leur encontre au titre des cautionnements du 15 février 2012 à 14.899,01 , au maximum, à eux deux, en toute hypothèse,

— condamner le CIC, à leur verser à chacun, une somme de 5.000 chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner le CIC aux entiers dépens, de première instance comme d’appel.

Jean-François d’ELBÉE et Christophe EQUISOAIN font état de la question prioritaire de constitutionnalité, que cette cour a transmise à la Cour de cassation laquelle a dit n’y avoir lieu à la renvoyer au Conseil constitutionnel, concernant leur recevabilité à invoquer la caducité du contrat de crédit.

Ils soutiennent que la jurisprudence qui édicte l’irrecevabilité de la caution à remettre en cause la décision d’admission de la créance au passif de la débitrice principale n’est pas conforme aux textes européens, s’agissant du droit à la non discrimination et à l’égalité juridique, au droit à un procès équitable, au droit à un recours effectif.

Ils excipent de l’article 1176 du code civil, pour fonder leur demande au titre du constat de la caducité du contrat de prêt consenti à la société FISHBIZ.

Ils se prévalent de l’article L. 341-4 du code de la consommation et invoquent la disproportion de leurs engagements au moment de la signature de leurs engagements de caution.

Dans le dernier état de ses écritures (récapitulatives) déposées le 4 juin 2015, le
CIC demande à la cour de :

— dire et juger mal fondé l’appel interjeté par
Jean-François d’ELBÉE et Christophe EQUISOAIN à l’encontre du jugement entrepris,

— constater que Jean-François d’ELBÉE et Christophe
EQUISOAIN n’ont pas déféré aux mises en demeure de payer qu’il leur a adressées par courriers recommandés avec accusé de réception en date du 3 juillet 2012,

— dire et juger que, contrairement à ce que prétendent les appelants, les articles L. 624-3-1 et R.
624-8 du code du commerce offrent aux cautions le droit à un procès équitable, le droit à un recours juridictionnel effectif et le respect du principe de l’égalité, dans la mesure où elles peuvent saisir le juge-commissaire pour contester la décision d’admission, ce que les coobligés solidaires ne peuvent faire,

— dire et juger que Jean-François d’ELBÉE et
Christophe EQUISOAIN ne sont plus recevables à contester la créance principale, dans son existence et dans son quantum,

— dire et juger que c’est à tort que Jean-François d’ELBÉE et Christophe EQUISOAIN prétendent que le contrat de prêt serait devenu caduc, dans la mesure où il a bien été pris un nantissement sur le fonds de commerce de deuxième rang, pari passu avec le
Crédit Mutuel, ainsi que cela a été convenu entre les deux établissements financiers et la société FISHBIZ représentée par
Jean-François d’ELBÉE et Christophe EQUISOAIN

— dire et juger que c’est à tort que Jean-François d’ELBÉE et Christophe EQUISOAIN prétendent que le contrat de prêt contiendrait une condition suspensive d’analyse des documents comptables de la société FISHBIZ qui serait nécessairement potestative en application de l’article 1174 du code civil,

— dire et juger que non seulement Jean-François d’ELBÉE et Christophe EQUISOAIN ne rapportent pas la preuve qui leur incombe du caractère manifestement disproportionné de leur engagement de caution, mais qu’il rapporte la preuve contraire de ce que leur engagement de caution n’est pas manifestement disproportionné eu égard au caractère limité de l’engagement de caution, aux revenus déclarés et aux apports dans la société
FISHBIZ,

— confirmer en conséquence le jugement déféré en toutes ses dispositions,

— condamner, en tant que de besoin, Jean-François d’ELBÉE et Christophe EQUISOAIN à payer, chacun, la somme de 14.899,01 , avec intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2012, date de la première mise en demeure, en application de l’article 1153 du code civil,

— condamner Jean-François d’ELBÉE et Christophe
EQUISOAIN à lui payer une indemnité de 2.000 en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner enfin Jean-François d’ELBÉE et
Christophe EQUISOAIN aux entiers dépens de l’instance.

Le CIC soulève l’irrecevabilité du moyen de caducité du prêt et subséquemment des engagements de caution, en raison de l’autorité de la chose jugée attachée à l’ordonnance du juge commissaire ayant admis sa créance au passif de la société FISHBIZ, en l’absence de contestation par les cautions de l’état des créances publié au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales.

Elle affirme que les dispositions supposant cette irrecevabilité ne contreviennent ni aux dispositions conventionnelles ni aux termes de la constitution en ce que les cautions disposent effectivement de la possibilité de contester l’admission prononcée.

Au fond, il conteste la caducité du prêt au motif que le contrat de prêt a bien pris effet, puisqu’il a été intégralement exécuté et que les conditions générales du prêt ont bien été respectées.

Elle conteste la disproportion des engagements de caution des appelants, au regard des revenus mensuels déclarés dans la fiche de renseignements et des apports en numéraire qu’ils ont faits à la société FISHBIZ.

Pour plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour renvoie, en application de

l’article 455 du code de procédure civile aux conclusions déposées par les parties et ci-dessus visées.

L’ordonnance de clôture date du 8 mars 2016.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il y a lieu de noter que la cour n’est pas saisie de l’action en responsabilité de la banque que les cautions avaient présentée devant le tribunal de commerce.

Sur la recevabilité du moyen de caducité du contrat de prêt :

L’article L. 624-2 du code de commerce énonce : 'Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence'.

L’article L. 624-3-1 du code de commerce, dispose : 'Les décisions d’admission ou de rejet des créances ou d’incompétence prononcées par le juge-commissaire sont portées sur un état qui est déposé au greffe du tribunal. Toute personne intéressée, à l’exclusion de celles mentionnées à l’article L. 624-3, peut former une réclamation devant le juge-commissaire dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat'.

L’article R. 624-8 du code de commerce, précise :
'Les décisions prononcées par le juge-commissaire sont portées par le greffier sur la liste mentionnée au premier alinéa de l’article L. 624-2. Cette liste ainsi complétée et les relevés de créances résultant du contrat de travail constituent l’état des créances.

Le greffier fait publier au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales une insertion indiquant ce dépôt et le délai pour présenter une réclamation.

Tout intéressé peut présenter une réclamation devant le juge-commissaire dans le délai d’un mois à compter de la publication'.

En l’espèce, la créance du CIC a été admise par le juge-commissaire à hauteur de 29.798,01 à titre privilégié au passif de la société FISHBIZ ce dont le CIC a été avisé, par le greffe du tribunal de commerce, le 2 mai 2013.

L’état des créances de la société FISHBIZ a été déposé le 12 février 2013 et l’avis de dépôt a été publié au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales le 17 mai 2013.

Jean-François d’ELBÉE et Christophe EQUISOAIN admettent ne pas avoir présenté de réclamation devant le juge-commissaire.

En conséquence, en application des textes précités, la décision d’admission de la créance au passif de la liquidation judiciaire de la société FISHBIZ est, opposable à Jean-François d’ELBÉE et
Christophe EQUISOAIN, quant à l’existence et au montant de la dette garantie et ces derniers sont irrecevables à opposer un moyen de caducité du contrat de prêt pour contester l’existence de la dette admise.

Pour s’opposer à ce moyen d’irrecevabilité, qui leur est opposé par le CIC, les appelants soulèvent l’inconstitutionnalité des articles L. 624-2 et L. 624-3-1 du code de commerce et, à titre subsidiaire, leur inconventionnalité et si la cour estime, que la jurisprudence de la cour de cassation invoquée par le CIC découle, non des textes législatifs mais des articles R. 624-3 et R. 624-8 du code de commerce, textes réglementaires, leur inconstitutionnalité et leur inconventionnalité seront soumises au tribunal administratif par voie de question préjudicielle.

Sur le moyen d’inconstitutionnalité :

La question prioritaire d’inconstitutionnalité des articles L. 624-2 et L. 624-3-1 du code de commerce, présentée par les appelants, a été transmise à la cour de cassation, par arrêt avant dire droit en date du 8 octobre 2015 qui a sursis à statuer dans l’attente de la décision sur cette question.

Par arrêt du 12 janvier 2016, la Cour de cassation a dit n’y avoir lieu à renvoyer la question au
Conseil constitutionnel.

L a c o u r n e p e u t d o n c c o n s t a t e r , a u v i s a , d e l a d é c i s i o n d u C o n s e i l c o n s t i t u t i o n n e l , l’inconstitutionnalité des articles L. 624-2 et L. 624-3-1 du code de commerce et tirer les conséquences d’une décision non rendue pour déclarer recevable le moyen de caducité du contrat de prêt.

Sur le moyen d’inconventionnalité :

Jean-François d’ELBÉE et Christophe EQUISOAIN soutiennent que les articles L. 624-2 et L.
624-3-1 du code de commerce contreviennent aux dispositions des articles 14 et 6, 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi qu’aux articles 26, 14 et 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques concernant le droit à non discrimination et à l’égalité juridique, le droit à un procès équitable et à l’égalité des armes et le droit à un recours effectif.

Aux termes des articles L. 624-3-1 et R. 624-8 du code de commerce, la caution, comme tout intéressé, dispose d’un délai d’un mois, à compter de la publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, de l’avis du greffier mentionnant le dépôt de l’état des créances, pour présenter au juge-commissaire une réclamation.

Il en résulte que la caution, dont la situation est différente de celle du débiteur principal, n’est pas privée du droit à un recours juridictionnel effectif pour empêcher que la décision d’admission de la créance lui soit rendue opposable.

Ces dispositions ne contreviennent donc pas aux dispositions conventionnelles invoquées par
Jean-François d’ELBÉE et Christophe
EQUISOAIN.

Sur la question préjudicielle :

La question telle que posée est irrecevable car elle ne tend pas à faire juger, par le tribunal administratif, la légalité de textes réglementaires, mais à traiter de leur conformité, tels qu’interprétés par la Cour de cassation, d’une part, à la constitution et d’autre part, à la convention européenne de sauvegarde des doits de l’homme et des libertés fondamentales et du pacte international relatif aux droits civiques et politiques.

Le premier point a déjà été soulevé par la question prioritaire de constitutionnalité transmise à la
Cour de cassation qui a statué et le juge administratif ne peut se prononcer sur la jurisprudence de l’ordre judiciaire.

En ce qui concerne le second point, la cour a statué ci-dessus.

Sur le moyen de caducité du contrat de prêt :

En l’état des motivations sus développées, ce moyen doit être déclaré irrecevable.

Sur la proportionnalité entre les engagements des cautions et leurs biens et revenus :

L’article L. 341-4 du code de la consommation dispose qu’un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et à ses revenus, à moins que le patrimoine de cette caution au moment où elle a été appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

La disproportion s’apprécie au jour de la conclusion de l’engagement au regard du montant de l’engagement, et en tenant compte de l’endettement global, et des biens et revenus de la caution.

Il appartient à la caution qui prétend que son engagement était disproportionné au jour de sa souscription, de le prouver.

Par contre, il incombe au créancier qui entend se prévaloir d’un engagement disproportionné au jour de sa souscription, de prouver que le patrimoine de la caution lui permet d’y faire face au moment où elle est appelée.

En l’espèce, au jour de l’engagement litigieux souscrit le 15 février 2012 à hauteur de 15.000 , ce qui n’est plus en litige, les cautions indiquent qu’elles s’étaient portées cautions solidaires des engagements de la société FISHBIZ, le 12 mai 2010, au profit du CIC à hauteur de 50.000 . Elles produisent le contrat de prêt mentionnant ces cautions mais non leurs engagements manuscrits ;
cependant le CIC ne conteste pas ces engagements.

Le 17 février 2012, les appelants se sont portés caution des engagements de la société FISHBIZ au profit du Crédit mutuel à hauteur de 15.000 .

Le prêt consenti par le Crédit Mutuel était destiné à financer la même opération que celle financée par la CIC et il résulte du courrier, produit par le CIC, adressé par le Crédit Mutuel aux gérants de la société FISHBIZ et donnant son accord à l’octroi du prêt qu’il a subordonné cet accord à certaines conditions, dont l’accord concomitant du CIC avec des conditions identiques à celles qu’il proposait.

Le CIC produit également la 'Convention de stipulation de concurrence égalité de rang entre les banques', qu’il a signée avec le Crédit Mutuel mentionnant l’octroi des deux prêts, pour financer la même opération à des conditions identiques.

En l’état de ces éléments, d’où il résulte que les engagements de caution étaient, malgré un décalage de deux jours dans la date de signature, concomitants, les engagements souscrits envers le Crédit
Mutuel doivent être pris en compte dans l’appréciation de la disproportion.

L’endettement global de chaque caution s’élevait donc, au 15 février 2012 à 65.000 porté à 88.000 deux jours après, du fait d’un engagement voulu concomitant par les banques.

Les avis d’imposition et déclaration de revenus perçus en 2011 et 2012, produits par les appelants mentionnent :

— pour Jean-François d’ELBÉE un revenu annuel de 19.869 en 2011 et de 7.650 en 2012,

— pour Christophe EQUISOAIN, un revenu annuel de 16.644 en 2011 et de 6.964 en 2012.

Sur les fiches de renseignements produites par le CIC et établis le 17 mars 2011, soit postérieurement aux engagements, pour le Crédit Mutuel, Jean-François d’ELBÉE a déclaré un revenu mensuel de 1.800 et une charge de loyer 760 et Christophe EQUISOAIN a déclaré un revenu mensuel de 1.500 et un loyer de 800 , tous deux ayant des charges de famille.

Ils n’ont déclaré aucun patrimoine.

Les apports de Jean-François d’ELBÉE et de
Christophe EQUISOAIN, invoqués par le CIC, au capital de la société FISHBIZ en leur qualité d’associés, ne peuvent être pris en compte pour apprécier la disproportion des engagements, les cautions ne pouvant librement disposer des sommes constituant le capital de la société.

En l’état des éléments précités, les engagements de caution souscrits le 15 février 2012, par
Jean-François d’ELBÉE et Christophe EQUISOAIN, au profit du CIC, à hauteur de 15.000 ,étaient manifestement disproportionnés à leurs biens et revenus.

En conséquence, le CIC ne peut se prévaloir de ces engagements et doit être débouté de ses demandes.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La S.A. CIC IBERBANCO qui perd en appel doit supporter tous les dépens.

L’équité commande de ne pas allouer, en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, de sommes à l’une quelconque des parties.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire dans les limites de l’appel,

Constate que par arrêt en date du 12 juin 2016, la Cour de cassation a dit n’y avoir lieu de renvoyer au Conseil Constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité présentée par
Jean-François d’ELBÉE et Christophe EQUISOAIN, qui lui avait été transmise par arrêt rendu le 8 octobre 2015 par cette cour,

Rejette le moyen d’inconventionnalité des articles L.
642- et L. 624-3-1 du code de commerce soulevé par Jean-François d’ELBÉE et Christophe
EQUISOAIN,

Déclare irrecevable la demande de Jean-François d’ELBÉE et de Jean-François d’ELBÉE tendant à poser une question préjudicielle au tribunal administratif,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable le moyen de caducité du contrat de prêt soulevé par Jean-François d’ELBÉE et
Christophe EQUISOAIN,

Déboute la S.A. CIC IBERBANCO de ses prétentions,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la S.A. CIC IBERBANCO aux dépens de première instance et d’appel, ces derniers pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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