Cour d'appel de Douai, Sociale a salle 3, 31 mai 2018, n° 16/03974

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, soc. a salle 3, 31 mai 2018, n° 16/03974
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 16/03974
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Lannoy, 11 octobre 2016, N° F16/00054
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DU

31 Mai 2018

1239/18

RG 16/03974

SM/CH

RO

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LANNOY

en date du

12 Octobre 2016

(RG F 16/00054 -section )

GROSSE :

Aux avocats

le

31/05/18

[…]

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

— Prud’Hommes-

APPELANTE :

Mme F X

[…]

[…]

Représentée par Me Laurence BONDOIS, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

SAS AFIBEL

[…]

[…]

Représentée par Me François DELEFORGE de la SCP François DELEFORGE – Bernard FRANCHI, avocat au barreau de DOUAI,

assistée de Me Elodie MOROY, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

H I : PRÉSIDENT DE CHAMBRE

J K : CONSEILLER

L M

: CONSEILLER

GREFFIER lors des débats : N O

DÉBATS : à l’audience publique du 03 Avril 2018

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 31 Mai 2018,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par H I, Président et par P GAMEZ, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 10 mars 2017, avec effet différé jusqu’au 05 mars 2018, puis révoquée. Nouvelle clôture fixée au 03 avril 2018.

Exposé du litige :

Mme X a été engagée par la société Afibel, le 29 septembre 2011, en qualité de contrôleuse de gestion classée agent de maîtrise coefficient 295.

Fin 2012, elle était enceinte et a été placée en arrêt maladie du 17 décembre 2012 au 20 janvier 2013, puis à compter du 13 février 2013.

Après avoir accouché le 13 avril 2013 elle a repris son activité le 15 juillet 2013.

Faisant valoir qu’elle avait été victime non seulement d’une discrimination à raison de sa situation de sa grossesse et de son état de santé, mais également de faits de harcèlement moral, elle a saisi, le 26 mai 2014, la juridiction prud’homale pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le paiement des indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en réparation du préjudice résultant de cette discrimination et de ce harcèlement.

Par lettre du 10 juin 2014, Mme X a pris acte de la rupture de son contrat de travail en reprochant à son employeur divers manquements à ses obligations contractuelles.

Par jugement du 12 octobre 2016, le conseil de prud’hommes de Lannoy a condamné la société Afibel à lui payer les sommes suivantes :

' 2 288 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et 228,80 euros au titre des congés payés correspondants

' 661,88 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés outre 66,18 euros au titre des congés payés afférents, pour l’année 2013,

' 15,60 à titre d’ indemnité compensatrice de congés payés outre les congés payés afférents pour l’année 2014,

et l’a déboutée du surplus de ses demandes.

Par déclaration adressée au greffe via le RPVA, le 14 octobre 2016, Mme X a relevé appel de cette décision.

Selon ordonnance du 10 mars 2017, l’affaire a été instruite dans les formes et délais prévus à l’article 905 du code de procédure civile et a fait l’objet d’une fixation à l’audience de plaidoiries du 3 avril 2018.

Mme X, par conclusions déposées le 4 janvier 2017 et le 2 mars 2018, demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il lui alloue des sommes à titre d’heures supplémentaires et de congés payés, de l’infirmer pour le surplus et de condamner la société Afibel à lui payer les sommes suivantes :

' 13 632,36 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

' 6 816,18 euros à titre d’ indemnité compensatrice de préavis majorée des congés payés soit 681,61 euros,

' 2 662,85 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

' 13 632,36 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct,

' 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

et d’ordonner à la société Afibel la remise d’une attestation Pôle emploi, d’un certificat de travail et d’un solde de tout compte conformes à la décision, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Elle fait valoir à titre principal, pour justifier la prise d’acte, qu’elle a été victime d’une discrimination et de faits de harcèlement moral durant sa grossesse et à son retour de congé maternité, notamment de la part de son supérieur hiérarchique qui lui a retiré ses attributions et a proféré à son égard des propos blessants ; qu’elle a également fait l’objet, en janvier 2014, d’une nouvelle classification de contrôleuse de gestion junior alors qu’elle avait été engagée en qualité de contrôleuse gestion classée E/R, cette fonction relevant pourtant, selon la grille de classification, de la classification de cadre catégorie F ; qu’elle produit un décompte étayant sa demande en paiement d’heures supplémentaires réalisées en 2012 et 2013 tandis que la société Afibel ne produit aucun élément permettant de justifier de ses horaires de travail ;

A titre subsidiaire, elle soutient, qu’à tout le moins, la société Afibel a manqué à son obligation de sécurité en s’abstenant de prendre des mesures de prévention pour prévenir la souffrance au travail.

La société Afibel, par conclusions déposées le 22 mars 2018, demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il déboute la salariée de ses demandes au titre de la discrimination et du harcèlement, de l’infirmer pour le surplus et statuant à nouveau, de débouter Mme X de l’ensemble de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que celle de 2 500 euros sur le fondement de

l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient qu’aucun élément ni aucun témoignage ne vient établir la matérialité des faits invoqués par la salariée au titre de la discrimination ou du harcèlement ; que la situation de souffrance au travail et de mal être constatée par le CHSCT lors de son enquête, est sans lien avec le comportement de sa hiérarchie ou des facteurs collectifs de travail, aucun harcèlement moral n’ayant été relevé ; qu’elle a respecté son obligation de sécurité en prenant immédiatement les mesures nécessaires dès que la salariée l’a alertée sur sa situation ; que les fonctions qu’elle exerçait relevait, contrairement à ce qu’elle soutient, de la classification des agents de maîtrise catégorie E niveau R (référent) ; qu’elle verse aux débats des pièces qui contredisent le décompte des heures supplémentaires revendiquées par Mme X.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites.

MOTIFS :

.

Sur la bien fondé de la rupture

La prise d’acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu’il reproche à l’employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail en sorte qu’il n’y a plus lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire introduite auparavant.

S’il appartient alors au juge de se prononcer sur la seule prise d’acte, il doit fonder sa décision sur les manquements de l’employeur invoqués par le salarié tant à l’appui de la demande de résiliation judiciaire devenue sans objet qu’à l’appui de la prise d’acte.

En l’espèce, après avoir saisi, le 16 mai 2014, le conseil de prud’hommes de Lannoy d’une demande tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail, Mme X, par lettre du 10 juin 2014 a pris acte de la rupture en imputant à son employeur d’une part, une qualification professionnelle erronée et une «rétrogradation» et d’autre part, une discrimination à raison de sa grossesse et son état de santé et un manquement à son obligation de sécurité face à une situation de discrimination et de harcèlement moral dont elle aurait été victime de la part d’un autre salarié.

Il n’y a plus lieu en conséquence de statuer sur la demande de résiliation judiciaire introduite auparavant.et il convient de déterminer si les faits invoqués par Mme X à l’encontre de son employeur sont établis et le cas échéant, suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

' Sur la qualification professionnelle :

Afin de déterminer la qualification d’un salarié, il convient de ne pas s’arrêter aux mentions contenues dans le contrat de travail ou à celles figurant sur les bulletins de salaire mais de s’attacher aux fonctions réellement exercées par le salarié au sein de l’entreprise et rechercher si ces fonctions correspondent à un emploi défini au sein des accords collectifs applicables.

En l’espèce, Mme X a été engagée, en septembre 2011, en qualité de contrôleuse de gestion et a été classée dès son embauche dans la catégorie agent de maîtrise assimilé cadre au coefficient 295.

Or l’avenant du 24 juin 2011 portant modification de l’annexe «Classifications» de la Convention collective nationale des entreprises de vente à distance du 6 février 2001 comprend une Annexe III «Emplois repères» qui mentionne entre autres le «contrôleur de gestion» dans la «Classification

cadre» Catégorie F.

Il en ressort que Mme X qui a été embauchée le 29 septembre 2011 en qualité de «contrôleur de gestion», et dont il n’est pas contesté qu’elle exerçait réellement ces fonctions, aurait dû être classée «cadre» niveau F et non agent de maîtrise lors de la mise en oeuvre de la nouvelle classification, comme le confirment plusieurs critères classants de la grille, dont notamment celui des «connaissances requises», la catégorie Etam renvoyant de ce point de vue à un «BTS, DUT ou licence professionnelle», celle de cadre à un diplôme de l’enseignement supérieur (titre d’ingénieur, master… ou tout diplôme équivalent) du niveau de celui qu’a validé Mme X (Master 2 Audit interne contrôle conseil).

Ainsi, la société Afibel n’a intitulé, depuis le 1er janvier 2014, le poste de Mme X de «contrôleur junior» que pour lui refuser le statut de cadre auquel elle avait pourtant droit dès lors qu’elle était contrôleur de gestion depuis son embauche, peu important à cet égard que le comité d’entreprise ait émis un avis favorable sur la mise en oeuvre de la nouvelle classification ou que Mme X ait ensuite été mal évaluée ou qu’elle maîtrisait mal son poste.

Il convient donc de reconnaître la qualification de cadre F à Mme X et d’ordonner la rectification de ses fiches de paie, Mme X n’en tirant en revanche aucune conséquence en terme de rémunération.

Ce manquement invoqué à l’appui de la prise d’acte est en conséquence établi.

Il constitue également l’un des griefs présentés par la salariée laissant présumer, selon elle, l’existence d’une discrimination et d’un harcèlement moral.

' sur la discrimination et le harcèlement moral :

Aux termes de l’article L 1132-1 du Code du Travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap

Il résulte de l’article L 1134-1 du Code du Travail qu’il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de présenter au juge des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte et il incombe ensuite à l’employeur, s’il conteste le caractère discriminatoire de cette mesure d’établir que sa décision est justifiée par des critères objectifs étrangers à toute discrimination.

En outre, selon l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il résulte des dispositions de l’article L.1154-2 du code du travail, que pour se prononcer sur

l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte également des articles L.1152-1, L.4121-1 et L.4121-2 du même code que ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.

Enfin, l’article 1er de la loi 2008 du 27 mai 2008, non codifiée, dispose que la discrimination inclut tout agissement lié à l’appartenance ou la non appartenance, vraie ou supposée, d’une personne à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation ou identité sexuelle ou son sexe ou son lieu de résidence, subi par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

Il ressort ainsi de ce dernier texte que certains agissements qualifiables de harcèlement moral peuvent également être qualifiés de discrimination lorsqu’ils sont liés à l’un des motifs prohibés, ce texte n’exigeant pas alors de répétition des faits.

En l’espèce, Mme X invoque indistinctement pour les mêmes faits, le harcèlement moral et la discrimination en raison de son sexe et de son état de grossesse.

Elle verse aux débats, deux courriels par lesquels M. Y, son supérieur hiérarchique, lui a transmis les correspondances d’autres salariées accompagnées de son commentaire :

' le courriel par lequel M. Y, le 29 février 2012 à 14 h 32, a fait suivre le mail d’une collaboratrice, Mme Z qui annonçait la naissance de son bébé A et a commenté : «Pour info : B a vêlé...''

' le 23 juillet 2012, M. Y a fait suivre à Mme X le mail de Mme C qui transmettait la photo de son bébé de 3 semaines, en précisant à destination de Mme X : «Exemple à ne pas suivre…''.

Ces mails sont ouvertement sexistes à l’égard des femmes en ce qu’elles sont susceptibles d’être mères et Mme X est directement visée par ces messages qui la mettent en garde contre la maternité.

Ils sont suffisamment éloquents pour laisser supposer l’existence d’une discrimination en raison du sexe et le fait qu’ils s’inscrivent dans le contexte d’échanges cordiaux et à l’humour potache et que M. D n’ait pas manqué plus tard de féliciter Mme X pour la naissance de sa fille et d’échanger avec elle sur les conseils pratique sur les nourrissons ne suffit pas à leur ôter leur caractère discriminant.

Mme X qui a été absente pour maladie du 17 décembre 2012 au 20 janvier 2013, alors qu’elle était enceinte, puis du 13 février 2013 au 15 juillet 2013 pour congé maternité, communique également sa fiche d’entretien professionnel réalisé le 15 janvier 2014 faisant état de ses «nombreuses absences pour maladie».

Il y est également indiqué qu’aucun des objectifs fixés n’a été atteint sauf la formation de Lise E et que le «niveau actuel des fonctions et faible», ou encore que Mme X devrait «apprendre à modérer les accès d’humeur, à respecter les horaires de travail et à prévenir un membre de I’encadrement en cas d’absence».

La société Afibel confirme en outre aux termes de ses conclusions que la non atteinte des objectifs est avérée et objective compte tenu des absences de la salariée et que M. Y ne pouvait écrire le contraire.

Il apparaît ainsi que la salariée a fait l’objet d’une évaluation négative en raison de ses absences pour cause de grossesse ou de congé maternité.

En outre, ainsi qu’il a été rappelé ci-dessus, la société Afibel n’a pas attribué à Mme X la qualification professionnelle auquel elle pouvait prétendre en application des dispositions conventionnelles et a procédé à une «rétrogradation» en ajoutant unilatéralement à l’intitulé de son poste le qualificatif de «junior» lequel renvoie à la notion de «débutant» qui est pour le moins inappropriée s’agissant d’une salariée qui avait près de deux années d’ancienneté et qui avait formé Mme E, sa remplaçante.

Mme X soutient également qu’elle a fait l’objet d’une mise à l’écart, lors de son retour de congé de maternité, son supérieur hiérarchique ayant choisi de transférer ses missions à Mme E qui avait été engagée au sein du service au terme de son contrat de professionnalisation le 1er novembre 2013.

Toutefois, les différents courriels versés aux débats ne sont pas suffisamment circonstanciés pour établir qu’elle a été court-circuitée dans ses missions par M. Y et ne permettent donc pas d’établir la réalité de ce grief.

Mme X verse également aux débats une fiche d’aptitude médicale du 6 décembre 2013 du médecin du travail qui conclut à son aptitude au travail, avec indication de la revoir dans un mois, ainsi que des avis d’arrêt de travail du 16 décembre 2013, 30 décembre 2013 et 16 janvier 2014 du docteur P Q, son médecin traitant, qui font état d’un «état anxiodépressif réactionnel», ainsi que de l’attestation d’une psychologue qu’elle a consultée et qui confirment sa souffrance au travail, laquelle ressort également du rapport que le CHSCT a établi le 9 avril 2014.

Il apparaît ainsi que Mme X présente des éléments matériellement établis dont certains constituent à eux seuls une discrimination en raison du sexe et de la maternité (propos sexistes et évaluation négative) et qui, pris dans leur ensemble, laissent en outre présumer l’existence d’un harcèlement moral.

En réponse, la société Afibel affirme notamment que Mme X ayant été absente à la clôture de décembre 2012, il n’a pas été possible d’évaluer son niveau de maîtrise de fonction lors de l’entretien de janvier 2013, ce niveau s’appréciant surtout lors de la clôture fiscale, alors que lors de son entretien de janvier 2014, la société avait davantage d’éléments pour estimer son niveau et que son niveau « faible » renvoyait alors surtout à un problème « de rigueur et d’implication » ne pouvant se résoudre par une formation.

Cette appréciation très générale et non circonstanciée sur le travail de Mme X ne permet pas de justifier son évaluation négative et le refus de lui attribuer le statut de cadre, auquel elle avait pourtant droit en tant que contrôleur de gestion.

La société Afibel se contentant par ailleurs de soutenir à tort que les griefs invoqués par la salariée ne sont pas établis et que le comité d’hygiène et de sécurité des conditions de travail a exclu l’existence d’un harcèlement moral, alors qu’il ressort des pièces versées aux débats que ce dernier n’a pas pris

en compte ces différents éléments, il en résulte qu’elle ne démontre pas que ces agissements sont étrangers à tout harcèlement moral.

En conséquence, sans qu’il soit besoin d’examiner le moyen subsidiaire de Mme X relatif à la violation de l’obligation de sécurité, la cour retient qu’elle a été victime d’une discrimination en raison de son sexe et de sa maternité, ainsi que d’un harcèlement moral.

Les tels manquements imputables à l’employeur, sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, de sorte la prise d’acte est justifiée et produit les effets d’un licenciement nul.

Toutefois, Mme X ne sollicitant pas sa réintégration, il lui sera accordé les indemnités de rupture ainsi qu’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières de la rupture :

Mme X se verra accorder une indemnité compensatrice de préavis de 3 mois, correspondant à sa qualification de cadre, pour un montant, non contesté par la société Afibel, de 6 816,18 euros ainsi que 681,61 euros au titre des congés payés afférents.

Au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement, Mme X est en droit d’obtenir la somme de 2 662,85 euros, dont le quantum n’est pas davantage contesté par la société Afibel.

Au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme X ayant plus de deux ans d’ancienneté et l’entreprise employant plus de onze salariés au moment du licenciement, il lui sera accordé, en application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa version en vigueur, une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Ainsi, eu égard à l’issue du litige et en considération de l’ancienneté (moins de 3 ans) de Mme X, de sa rémunération brute mensuelle, de son âge, de sa formation et du fait qu’elle a retrouvé un emploi en tant que contrôleur de gestion dès le mois de juin 2014, il convient de lui allouer la somme de 13 632,36 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la réparation du préjudice moral :

La souffrance au travail et les répercussions sur l’état de santé de Mme X qu’ont provoqué les agissements de harcèlement moral et la discrimination, justifient la condamnation de la société Afibel à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Le jugement sera également infirmé sur ce point.

Sur la demande de rappels de salaire pour heures supplémentaires

Il résulte de l’article L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié d’étayer sa demande par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ;

En l’espèce, Mme X verse aux débats un décompte des heures qu’elle a réalisées en 2012 et 2013 qui indique pour chaque jour de la semaine ses heures d’arrivée et de départ tant le matin que l’après-midi, avec des différences plus ou moins sensibles selon les jours, et mentionne des périodes de congés payés, celles correspondant à des arrêts maladie et le congé maternité.

Contrairement à ce que soutient la société Afibel, ces éléments sont suffisamment précis pour à étayer la demande.

La prétention de la salariée étant étayée, il appartient donc à l’employeur de se conformer à son obligation de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Or, la société Afibel qui soutient que Mme X n’a jamais sollicité la direction pour faire des heures supplémentaires se contente de pointer des contradictions entre certaines plages horaires indiquées par la salariée et des heures d’enregistrement de certains fichiers, au demeurant sans prouver que ces enregistrements étaient le fait de la salariée elle-même, mais ne justifie pas les horaires qu’elle a effectivement réalisés.

Il en résulte que Mme X a accompli des heures supplémentaires.

S’agissant de l’évaluation de ces heures supplémentaires, il y a lieu de lui accorder, au vu des éléments soumis à l’appréciation de la cour et du fait que Mme X s’est aussi plainte d’une absence de travail après son retour de congé maternité, une somme de 1 100 euros, ainsi que 110 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé

Aux termes de l’article L.8221-5 du code du travail «Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement : (…) à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L.3243-2 du Code du travail, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre premier de la troisième partie du Code du travail (…)».

En l’espèce, il n’est nullement démontré que la société Afibel aurait intentionnellement dissimuler les heures supplémentaires accomplies par Mme X.

En conséquence, Mme X sera déboutée de sa demande et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la remise des documents

Il convient d’ordonner à la société Afibel de remettre à Mme X des bulletins de paie rectifiés, une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un solde de tout compte conformes à la présente décision, sous astreinte.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

La société Afibel succombant en appel sera condamnée aux dépens et à payer à Mme X la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles que Mme X a engagés en première instance et en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS :

— Infirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté Mme F X de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé,

— Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

— Dit que Mme X doit bénéficier de la qualification de cadre F,

— Dit que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par Mme X produit les effets d’un licenciement nul,

— Condamne la société Afibel à verser à Mme F X les sommes suivantes :

' 6 816,18 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents soit 681,61 euros,

' 2 662,85 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

' 13 632,36 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des faits de harcèlement moral et de discrimination,

' 1 100 euros au titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires non payées, outre les congés payés afférents soit 110 euros,

— Ordonne à la société Afibel de remettre à Mme F X des bulletins de paie rectifiés, une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un solde de tout compte conformes à la présente décision, sous astreinte de 25 euros par jour de retard qui commencera à courir à compter du 15e jour suivant la signification du présent arrêt et ce, pendant un délai de soixante jours passé lequel il appartiendra à la partie la plus diligente de saisir le juge de l’exécution pour qu’il soit de nouveau fait droit ;

— Déboute la société Afibel de l’ensemble de ses demandes et Mme F X du surplus de ses demandes,

— Condamne la société Afibel à verser à Mme F X 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamne la société Afibel aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

V. GAMEZ S. I

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