Décision de la Commission des sanctions du 25 juin 2013 à l'égard de la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton

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Sur la décision

Référence :
AMF, 25 juin 2013, n° SAN-2013-15
Numéro : SAN-2013-15
Identifiant AMF : SAN-2013-15

Sur les parties

Texte intégral

La Commission des sanctions

DÉCISION DE LA COMMISSION DES SANCTIONS À L’ÉGARD DE LA SOCIETE LVMH MOËT HENNESSY-LOUIS VUITTON

La Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après : « AMF »), réunie en formation plénière,

Vu l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme ;

Vu le code monétaire et financier, et notamment les articles L. 621-14 et L. 621-15 ;

Vu le règlement général de l’AMF, et notamment les articles 144-2-1, 223-1 et 223-6 ;

Vu la notification de griefs adressée le 13 août 2012 à la société LVMH Moët Hennessy-Louis Vuitton, prise en la personne de M. A ;

Vu la décision du 10 septembre 2012 de la présidente de la Commission des sanctions désignant M. Michel Pinault en qualité de rapporteur ;

Vu la lettre du 19 septembre 2012 adressée à la société LVMH Moët Hennessy-Louis Vuitton, l’informant de la faculté de demander la récusation du rapporteur ;

Vu les observations écrites du 12 octobre 2012 adressées par la société LVMH Moët Hennessy-Louis Vuitton en réponse à la notification de griefs ;

Vu le procès-verbal d’audition de la société LVMH Moët Hennessy-Louis Vuitton du 28 mars 2013 ;

Vu les observations écrites du 29 mars 2013 adressées par la société LVMH Moët Hennessy-Louis Vuitton, à la suite de son audition ;

Vu le procès-verbal d’audition de la société Hermès International, entendue en qualité de témoin, du 4 avril 2013 ;

Vu les observations écrites du 9 avril 2013 adressées par la société LVMH Moët Hennessy-Louis Vuitton, à la suite de l’audition de la société Hermès International ;

Vu le rapport de M. Michel Pinault en date du 12 avril 2013 ;

Vu la lettre de convocation à la séance de la Commission des sanctions du 31 mai 2013, adressée le 12 avril 2013, à la société LVMH Moët Hennessy-Louis Vuitton, à laquelle était joint le rapport du rapporteur ;

17 place de la Bourse – 75082 Paris cedex 2 – tél. 01 53 45 60 00 – fax 01 53 45 63 20 www.amf-france.org

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Vu la demande adressée au rapporteur le 29 avril 2013 par la société LVMH Moët Hennessy-Louis Vuitton afin que soit versé au dossier l’avis de l’Autorité des marchés financiers sollicité par le Parquet de Paris à la suite de la plainte déposée par la société Hermès International pour délits d’initié et de manipulation de cours à l’encontre de la société LVMH Moët Hennessy-Louis Vuitton ;

Vu la lettre du 30 avril 2013 informant la société LVMH Moët Hennessy-Louis Vuitton de la composition de la formation de la Commission des sanctions lors de la séance, et lui précisant la faculté de demander la récusation de l’un ou l’autre de ses membres ;

Vu les observations écrites du 2 mai 2013 adressées à la Commission des sanctions par la société LVMH Moët Hennessy-Louis Vuitton, en réponse au rapport du rapporteur ;

Vu la transmission au secrétaire général de l’Autorité des marchés financiers par le rapporteur, le 2 mai 2013, de la demande de la société LVMH Moët Hennessy-Louis Vuitton, afin que soit versée au dossier une copie de l’avis de l’Autorité des marchés financiers sollicité par le Parquet de Paris à la suite de la plainte déposée par la société Hermès International pour délits d’initié et manipulation de cours ;

Vu la transmission, le 6 mai 2013, par le secrétaire général de l’Autorité des marchés financiers, de cette demande au Parquet de Paris et aux juges d’instruction chargés d’instruire la plainte de la société Hermès International, et le courrier du secrétaire général de l’Autorité des marchés financiers du 7 mai 2013 informant le rapporteur de cette transmission ;

Vu la réitération, auprès du rapporteur, de la demande de versement au dossier de la procédure de sanction de l’avis de l’Autorité des marchés financiers par le conseil de la société LVMH Moët Hennessy-Louis Vuitton, par courrier du 7 mai 2013 ;

Vu l’opposition au versement de l’avis de l’Autorité des marchés financiers au dossier de la procédure de sanction formulée par le Parquet de Paris, le 14 mai 2013 ;

Vu la demande de récusation adressée, le 14 mai 2013, par la société LVMH Moët Hennessy-Louis Vuitton à l’encontre d’un des membres délibérants de la Commission des sanctions ;

Vu le courrier du 16 mai 2013 du membre délibérant faisant l’objet de la demande de récusation aux termes duquel il indiquait accepter de se déporter ;

Vu les observations écrites formulées par la société LVMH Moët Hennessy-Louis Vuitton, le 22 mai 2013 ;

Vu la demande motivée de versement de l’avis de l’Autorité des marchés financiers au dossier de la procédure de sanction formée auprès du procureur de Paris, par le conseil de la société LVMH Moët Hennessy-Louis Vuitton, par courrier du 27 mai 2013 ;

Vu la confirmation, le 27 mai 2013, par le Parquet de Paris de son refus de voir versé au dossier de la procédure de sanction l’avis de l’Autorité des marchés financiers sollicité dans le cadre de la procédure pénale ;

Vu le recours hiérarchique formé auprès du Procureur général de la cour d’appel de Paris par le conseil de la société LVMH Moët Hennessy-Louis Vuitton, le 28 mai 2013, contre le refus de versement au dossier de la procédure de sanction de l’avis de l’autorité des marchés financiers ;

Vu l’accord du Parquet de Paris, le 29 mai 2013, au versement de l’avis de l’Autorité des marchés financiers au dossier de la procédure de sanction ;

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Vu la lettre de transmission par le secrétaire général de l’AMF au rapporteur de la Commission des sanctions, le 30 mai 2013, d’une copie de l’avis formulé par l’AMF le 2 octobre 2012 à la demande du Parquet de Paris à la suite de la plainte déposée par la société Hermès International, ainsi que de la lettre adressée le 29 mai 2013 par le Parquet de Paris ;

Vu l’avis de l’Autorité des marchés financiers, du 2 octobre 2012, sollicité par le procureur de la République de Paris à la suite de la plainte déposée par la société Hermès International pour délits d’initié et de manipulation de cours ;

Vu les observations écrites formulées par la société LVMH Moët Hennessy-Louis Vuitton, les 30 mai et 6 juin 2013 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Après avoir entendu au cours de la séance du 31 mai 2013 :

— M. Michel Pinault en son rapport ;

- M. Jérôme Reboul, représentant le directeur général du Trésor, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;

- M. Philippe Adhémar, membre du Collège de l’Autorité des marchés financiers, Mme Audrey Kerting et M. Maxime Galland, représentants le Collège de l’AMF ;

- la société LVMH Moët Hennessy-Louis Vuitton, représentée par M. B, conseiller de M. A,
- MM. […], de la société LVMH Moët Hennessy-Louis Vuitton ;

- Me Georges Terrier, conseil de la société LVMH Moët Hennessy-Louis Vuitton, et M. Dominique Ledouble ;

la personne mise en cause ayant eu la parole en dernier.

Partie 1 : FAITS ET PROCEDURE

I. Faits

LVMH Moët Hennessy-Louis Vuitton (ci-après : « LVMH »), leader mondial dans le domaine des produits de luxe, est une société anonyme à conseil d’administration issue du rapprochement, en 1987, de Moët Hennessy et de Louis Vuitton. Son actionnaire majoritaire est le Groupe A, par l’intermédiaire de la Holding Christian Dior. Elle est dirigée par M. A.

Hermès International (ci-après : « Hermès ») est une société en commandite par actions dont l’associé commandité est la société Emile Hermès SARL, détenue par les seuls descendants de M. Emile Maurice Hermès et de son épouse, et dont le gérant est M. Henri-Louis Bauer. La gérance d’Hermès est exercée par l’associé commandité et M. G gérant non associé, M. […] venant d’être nommé co-gérant.

Au cours des années 2001 et 2002, LVMH a pris une participation de 4,9% du capital d’Hermès par l’intermédiaire de deux filiales, la société luxembourgeoise Hannibal SA (ci-après : « Hannibal ») et la société de l’Etat américain du Delaware Altair Holding LLC qui ont acquis, respectivement, 271 428 et 1 495 333 actions. Hermès ayant, le 8 juin 2006, procédé à une division de son nominal par trois, le nombre d’actions détenues par LVMH a été multiplié d’autant, passant de 1 766 761 à 5 300 283.

De 2002 à 2008, LVMH n’a procédé à aucune acquisition significative d’actions Hermès.

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Au cours du premier semestre 2008, LVMH a conclu plusieurs contrats d’Equity Linked Swap (ci-après « ELS ») par l’intermédiaire de deux filiales qu’elle contrôlait indirectement et qui étaient consolidées au sein du groupe, Hannibal et Harmony Capital Limited (ci-après : « Harmony »), société hong-kongaise filiale de LVMH via LVMH Asia Pacific Limited et créée spécialement pour servir de contrepartie aux contrats d’ELS. Ces contrats ont été conclus avec trois banques : Nexgen Capital Limited (ci-après : « Nexgen »), Société Générale et Crédit Agricole Corporate & Investment Bank (ci-après : « CA-CIB »), anciennement Calyon.

L’ELS est un contrat à terme entre deux parties, par lequel l’une s’engage à transférer la performance réalisée par un instrument financier, un indice ou un panier d’actions à l’autre qui, en contrepartie, verse un intérêt fixe ou variable. A terme, soit au dénouement en numéraire de l’ELS, le vendeur s’engage à verser à l’acquéreur la plus- value si le cours du sous-jacent a monté ; dans l’hypothèse inverse, c’est l’acquéreur qui s’engage à verser au vendeur la moins-value. Généralement, le vendeur d’un ELS portant sur la performance d’un instrument financier déterminé, afin de se couvrir contre le risque de versement d’une plus-value, achète les titres de référence, s’il n’en est pas déjà le détenteur. Deux types de dénouement peuvent alors être envisagés, selon les termes du contrat : un dénouement en numéraire, avec versement de la plus-value ou de la moins-value, comme exposé ci- dessus, ou un dénouement en titres, ceux-ci étant transférés par le vendeur à l’acheteur, qui en devient le propriétaire.

En l’espèce, les contrats conclus par LVMH lui permettaient « d’acheter économiquement » les titres Hermès sans avoir à en acquérir la propriété. En sa qualité d’acheteur d’ELS, LVMH s’acquittait d’une commission périodique auprès des banques, qui lui reversaient le rendement des titres, c’est-à-dire les produits liés à leur détention et les éventuelles plus-values de cession. Selon LVMH, ces ELS ont été conclus afin « de réaliser un investissement financier en profitant d’un cours qui (…) était favorable sur le titre Hermès ». Etait uniquement prévu à terme, pour l’ensemble des ELS souscrits, un dénouement en numéraire, dit « cash settlement », et non un dénouement en titres, dit « physical settlement » ; les contrats conclus avec la Société Générale et celui, dénommé « Gold 1 », conclu avec CA-CIB prévoyaient la possibilité d’un dénouement par anticipation.

A la suite de l’accord donné, pour que soient conclus ces contrats, par M. M. B, conseiller de M. A, M. C et M. D, ont pris en charge la mise en place des ELS.

I.1. La conclusion des ELS

I.1.1. Les ELS conclus avec Nexgen

Après une réunion sur la conclusion éventuelle d’ELS, qui s’est tenue le 9 mai 2007 entre Nexgen et LVMH, représentée par MM. B, C, ainsi que par le directeur du développement et des acquisitions, assistés de deux avocats et d’un professeur de droit, la banque a présenté, le 6 novembre 2007, diverses structures envisageables. Lors de la réunion suivante, le 18 décembre 2007, LVMH a choisi le sous-jacent Hermès, ce qui a conduit à la conclusion avec Nexgen, par l’intermédiaire, respectivement, des sociétés Hannibal et Harmony, de deux ELS nommés « Harry 1 » et « Harry 2 » (ci-après : « Harry 1 » et « Harry 2 »).

Harry 1 a été conclu le 31 janvier 2008, avec une échéance, restée inchangée, au 24 janvier 2011, pour un montant notionnel de 100 millions d’euros, et a porté sur 1,5 million d’actions Hermès, dont le cours de référence n’était pas précisé. Le même jour, LVMH a émis une garantie à première demande au profit de Nexgen pour un montant maximal de 300 millions d’euros.

Les titres Hermès constituant la couverture du contrat ont été acquis par Nexgen :

- entre le 21 et le 31 janvier 2008, sur le marché, pour 705 181 titres,
- entre le 1er février et le 3 mars 2008 pour le solde, 201 000 titres ayant été achetés hors marché, en deux blocs, les 14 février et 3 mars 2008.

A la suite d’avenants des 1er et 14 mars, 3 avril et 6 juin 2008, intervenus à la demande du directeur de Hannibal formulée après consultation de M. M. D, le montant notionnel a finalement été porté à 246 451 520 euros,

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correspondant à 3,2 millions d’actions et à un cours de référence de 77,061 euros. C’est après la signature des avenants ayant augmenté la taille du notionnel de Harry 1 qu’ont été constituées les couvertures complémentaires.

Harry 2 a été conclu le 11 juin 2008, avec une échéance au 21 mai 2011, pour un montant notionnel de 177 794 640 euros, et a porté sur 1,8 million d’actions Hermès, dont le cours de référence était fixé à 98,7748 euros.

La couverture de ce contrat a été réalisée par Nexgen grâce à l’identification, par LVMH, d’intérêts vendeurs. Dès le mois de mars 2008, un avocat au barreau de Genève a signalé à M. […], , l’existence d’intérêts vendeurs parvenus à sa connaissance par l’intermédiaire d’une banque suisse, dont le courtier était Lehman Brothers. LVMH a répercuté ces informations à Nexgen, qui a pu ainsi acquérir hors marché plusieurs blocs de titres représentant la totalité de la couverture. Il résulte de l’enquête que ces titres lui ont été cédés par M. E en vertu d’un mandat discrétionnaire de leur propriétaire, M. F.

Ainsi, les deux ELS conclus avec Nexgen ont porté sur 3,2 et 1,8 millions de titres – soit 5 millions en tout –, avec une échéance fixée, pour le premier, au 24 janvier 2011, pour le second, au 21 mai 2011.

I.1.2. Les ELS conclus avec la Société Générale

Le 5 mars 2008, M. M. D a contacté la Société Générale afin de prendre une exposition économique sur le titre Hermès via l’achat d’ELS portant sur 4,24 millions d’actions, soit environ 4% du capital de cette société, avec un dénouement prévu en numéraire. Entre le 25 avril et le 14 mai 2008, LVMH a, par l’intermédiaire de Harmony, conclu avec cette banque quatre ELS successifs, chacun de ces contrats ayant pour effet d’annuler et remplacer le précédent.

C’est ainsi qu’ont été conclus :

- le 25 avril 2008, un premier ELS, avec une échéance au 26 avril 2011, portant sur 2,5 millions d’actions à un cours de référence de 80,10 euros, pour un montant notionnel de 200 250 000 euros ;

- le 29 avril 2008, un deuxième ELS, portant sur 3 millions d’actions à un cours de référence de 81,43 euros, pour un montant notionnel de 244 300 000 euros ;

- le 7 mai 2008, un troisième ELS, portant sur 3,8 millions d’actions à un cours de référence de 83,553 euros, pour un montant notionnel de 317 500 000 euros ;

- le 14 mai 2008, un dernier ELS, portant sur 4,8 millions d’actions – ce qui représentait 4,53% du capital d’Hermès, tel qu’il était composé au 31 décembre 2007 – à un cours de référence de 86,979 euros, pour un montant notionnel de 417 500 000 euros.

Dès le 25 avril 2008, jour de la signature du premier ELS, la société Sofidiv, filiale détenue à 100% par LVMH et consolidée au sein du groupe, a émis au profit de la Société Générale une garantie à première demande de 400 millions d’euros.

Ainsi, les ELS conclus avec la Société Générale ont finalement porté sur 4,8 millions de titres, l’échéance étant fixée au 26 avril 2011. Contrairement aux ELS Harry 1 et Harry 2, ceux conclus avec la Société Générale octroyaient le droit à LVMH d’imposer, selon une procédure spécifique, un dénouement anticipé.

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S’agissant de la couverture des ELS, les banquiers de la Société Générale ont précisé que LVMH leur avait indiqué, dès le départ, avoir identifié un vendeur de titres. Il s’agissait d’une société suisse, Dilico Global Investment SA (ci-après : « Dilico »), constituée à cette fin et représentée par le même avocat au barreau de Genève, intermédiaire de M. E. Ainsi, des blocs de titres ont été transférés du compte de M. F à celui de la société Dilico. Après chacun de ces transferts, la Société Générale a conclu à la fois un nouveau contrat de vente à terme avec Dilico, portant sur le nombre de titres du bloc transféré, et un nouvel ELS avec LVMH.

I.1.3. Les ELS conclus avec CA-CIB

Après des discussions entamées fin janvier 2008, LVMH, par l’intermédiaire de la société Harmony, a conclu deux ELS avec CA-CIB, pour un montant notionnel total, après avenants et dénouement partiel, de 333 857 701 euros, portant sur 3 201 246 actions Hermès, soit 3,02% du capital de la société.

Dès le 23 mai 2008, une garantie à première demande pour un montant maximal de 550 millions d’euros a été émise par la société Sofidiv au profit de CA-CIB dans la perspective du premier ELS.

Celui-ci, nommé « Gold 1 », dont la conclusion, contractuellement prévue au 4 juin 2008, a été reportée au 8 octobre 2008, date de la constitution de la couverture par CA-CIB, portait sur 1 290 000 actions Hermès, à un cours de référence de 98,8597 euros, pour un montant notionnel de 127 529 013 euros. L’échéance, fixée au 4 juin 2010, a fait l’objet, à cette date, d’une prorogation au 4 juin 2012 ; toutefois, l’article 6 de l’ELS a donné à Harmony la faculté de procéder à un dénouement anticipé, partiel ou total.

Dans une de ses rédactions initiales, le projet de contrat comportait une clause selon laquelle « lors du dénouement de sa couverture au titre de la présente transaction, Calyon [devenue CA-CIB] ne pourra pas vendre hors bourse à Harmony des actions détenues en couverture ». A la demande de M. Bernard Kuhn, qui a déclaré avoir alors souhaité « ne pas entraver la liberté de LVMH », la banque a renoncé à insérer cette clause, ce qui a eu pour effet de l’autoriser à céder ses actions Hermès « à toute contrepartie de son choix » et de gré à gré.

Après un dénouement partiel, le 13 novembre 2008, portant sur 58 083 titres, l’ELS a fait l’objet de quatre avenants dont le dernier, signé le 19 octobre 2010, a porté à 313 857 701 euros le montant notionnel et à 3 001 246 le nombre d’actions, représentant 2,83% du capital de Hermès.

Pour la constitution de la couverture de « Gold 1 », LVMH a informé CA-CIB de l’existence de blocs vendeurs hors marché représentant en tout 2 280 000 titres qui ont été cédés, sur ordre de M. E, par l’intermédiaire d’Aurel Leven, entreprise d’investissement devenue Aurel BGC ; ces actions provenaient des comptes de M. F ouverts auprès des banques Pictet et Sarrasin. Les 773 000 titres restants ont été acquis par CA-CIB sur le marché entre le 26 février 2009 et le 18 juin 2010, toujours en amont de la signature d’un nouvel avenant.

Le second ELS, nommé « Gold 2 », conclu le 23 juin 2008, portait sur 200 000 actions Hermès, pour un montant notionnel de 19 646 000 euros, l’échéance étant fixée au 4 juin 2014. Il n’était pas assorti d’une clause de dénouement anticipé à l’initiative de Harmony. Le jour de la conclusion du contrat, la société Sofidiv a émis une garantie à première demande au bénéfice de CA-CIB pour un montant de 30 millions d’euros.

La couverture de cet ELS a été constituée par l’achat de titres par CA-CIB face à la Société Générale, sur indication de M. M. D, lui-même informé de l’intérêt vendeur par le même avocat au barreau de Genève. Les actions provenaient d’un membre de la famille […].

En définitive, les deux ELS ont porté en tout sur 3 401 246 actions Hermès, avec des échéances fixées, pour le premier, au 4 juin 2012, pour le second, au 4 juin 2014. Ont été émises des garanties à première demande de 550 et 30 millions d’euros.

Ainsi, au total, au cours de l’année 2008, LVMH a, par l’intermédiaire de ses filiales, d’une part, conclu des ELS qui portaient sur 13 001 246 actions représentant, au 31 décembre 2008, 12,37% du capital d’Hermès, d’autre

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part, consenti des garanties à première demande, antérieures ou concomitantes à chacun des ELS, pour la somme globale de 1,48 milliard d’euros, supérieure au montant notionnel de l’ensemble des contrats.

Les 8, 9 et 11 décembre 2008, LVMH a cédé 84 284 actions parmi les titres qu’elle détenait depuis 2002. Aux termes du rapport d’enquête, « si ces cessions n’avaient pas eu lieu, LVMH aurait dépassé le seuil de 5% du capital d’Hermès au 31 décembre 2008, en raison de l’annulation, le 30 décembre 2008 par Hermès, de 640 702 titres auto détenus ».

I.2. Dénouement des ELS

Comme on l’a vu, les échéances des ELS étaient normalement fixées aux 24 janvier 2011 (Harry 1), 26 avril 2011 (Société Générale), 21 mai 2011 (Harry 2), 4 juin 2010, prorogé au 4 juin 2012 (Gold 1), et 4 juin 2014 (Gold 2).

Au mois de juin 2010, M. M. D a interrogé les trois banques vendeuses d’ELS sur la possibilité d’acquérir les titres Hermès sous-jacents des swaps.

Si CA-CIB a alors refusé de changer le mode de dénouement du premier ELS, la déontologue de la Société Générale a, le 15 juin 2010, indiqué ne pas avoir d’objection à une cession en bloc, à LVMH, des titres détenus par la banque. Le 21 juin 2010, le responsable de la structuration de Nexgen a également donné oralement son accord à l’éventualité d’amender les contrats d’ELS pour permettre un dénouement anticipé et en titres.

En juillet 2010, la banque Rothschild a travaillé sur un scénario prévoyant le rachat d’une participation et une prise de contrôle au sein d’Hermès. Elle avait déjà, à trois reprises, les 18 décembre 2006, 13 février 2007 et 18 mars 2008, présenté à M. M. B les scénarii d’un projet en ce sens, intitulé « Projet Mercure » ; elle a, le 29 juillet 2010, proposé une prise de participation à hauteur de 18 à 25% du capital de cette société.

Ont été à nouveau interrogées par LVMH sur la possibilité d’un dénouement, éventuellement anticipé, en titres plutôt qu’en numéraire :

- le 13 octobre 2010, pour les ELS « Harry 1 » et « Harry 2 », Nexgen, qui a donné un accord de principe le lendemain ;

- le 13 octobre 2010 également, la Société Générale, qui a, entre le 13 et le 21 octobre 2010, « préparé la documentation et (…) obtenu tous les accords pour faire l’opération, notamment du département de la déontologie, des risques (…) » ;

- le 15 octobre 2010, CA-CIB qui, le 21 octobre 2010, a précisé que, si la possibilité d’un dénouement anticipé était déjà prévue dans le contrat d’ELS, ce dénouement ne pourrait se faire en titres que sous réserve de l’absence de détention d’une information privilégiée et, dès lors, à la condition qu’une information soit préalablement donnée au marché.

A partir du 22 septembre 2010, LVMH a mandaté la banque Lazard – avec laquelle s’était tenue, le 5 mars 2008, une réunion relative à une prise de participation au sein d’Hermès – « sur l’analyse des options du débouclement des ELS », ce projet étant intitulé « Cézanne ».

Le 19 octobre 2010, après avoir examiné les avantages et inconvénients des trois options envisagées (dénouement en numéraire anticipé, dénouement en numéraire à terme ou dénouement anticipé en titres), la banque a conclu que « quelle que soit la décision stratégique que LVMH prendra vis-à-vis de Cézanne [Hermès], dans une optique de maximisation de son investissement financier au travers des sous-jacents des contrats d’equity swap, le moyen le plus efficace semble être le débouclement desdits equity swaps en actions en raison des conditions actuelles de marché, de liquidité du titre Cézanne, de son flottant et des quantum envisagés. Cela supposera néanmoins l’accord préalable des banques ».

I.2.1. Le conseil d’administration de LVMH du 21 octobre 2010

Le 21 octobre 2010, lors du conseil d’administration de LVMH, M. A, soulignant que « l’évolution du secteur du luxe intervenue depuis 2008 et en particulier l’effervescence qu’a connue l’action Hermès au cours de [l’été 2010]

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a amené la Société à engager à la rentrée de septembre, avec l’aide de la banque Lazard, une réflexion approfondie sur les conditions de sortie [des ELS] », a présenté au conseil, semble-t-il pour la première fois, les deux séries d’opérations financières réalisées sur le titre Hermès : d’une part, « l’acquisition d’environ 5 millions d’actions Hermès, correspondant à moins de 5% du capital » en 2001 et 2002, d’autre part, la mise en place des différents ELS à partir de janvier 2008, en précisant : « Ces deux séries d’opérations ont été faites dans une perspective financière, à un moment où le cours des actions, en particulier dans le secteur du luxe, était malmené ».

M. C a ensuite présenté les conséquences financières et comptables des ELS qui, « du moins en théorie,

[permettraient] de dégager à ce jour, s’il y était mis fin, une plus-value potentielle supérieure au milliard d’euros », en précisant que « le maintien des contrats jusqu’à leur échéance en 2011 conduirait la Société, en vertu des règles comptables en vigueur, à identifier, de façon nominative, les opérations ci-dessus dans ses comptes consolidés de l’exercice 2010, ce qui ne serait pas sans répercussion sur les performances espérées de l’exécution de ces contrats ».

M. M. B a alors exposé les conclusions et recommandations de la banque Lazard, précisant les risques liés à chacune des trois options envisagées. M. A a ajouté que « les résultats étant en forte croissance, les perspectives étant également bonnes et le Groupe s’étant fortement désendetté au cours des deux dernières années, une décision d’acquérir les titres détenus par les banques [était] tout à fait à la portée de LVMH ».

Après quelques échanges entre les administrateurs, ces derniers, à l’unanimité, se sont prononcés en faveur d’un « dénouement par anticipation des contrats d’equity swap avec demande d’avenant pour obtenir la délivrance des actions en couverture acquises par les banques ».

I.2.2. Dénouement des ELS et communication financière

Ainsi, toujours le 21 octobre 2010 :

- des avenants aux ELS ont été signés avec Nexgen et la Société Générale afin de transférer les contrats à la société Sofidiv et de prévoir, pour ceux conclus avec Nexgen, une possibilité de dénouement anticipé ;

- LVMH a émis une nouvelle garantie autonome, d’un montant maximal de 300 millions d’euros, au profit de Nexgen ;

- la société Sofidiv a demandé le dénouement anticipé des ELS conclus avec la Société Générale et Nexgen.

Le 22 octobre 2010 :

- les 4 800 000 et les 5 000 000 d’actions Hermès détenues respectivement par la Société Générale et par Nexgen ont été livrées à la société Sofidiv contre le paiement d’un prix d’exercice, pour la première, de 417 500 160 euros, pour la seconde, de 424 250 000 euros ;

- LVMH a donné un mandat à la banque Rothschild afin d’être assistée « dans l’élaboration et la mise en œuvre de sa politique de communication au marché à la suite de sa prise de participation dans Hermès », et « d’une manière générale, assister [LVMH] dans le suivi de sa participation dans Hermès en se situant dans la logique d’un investissement stratégique de long terme ».

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Par communiqué du 23 octobre 2010, LVMH a déclaré détenir 15 016 000 actions représentant 14,2% du capital de la société Hermès, précisant, d’une part, que « l’objectif de LVMH est d’être un actionnaire à long terme d’Hermès et de contribuer à la préservation du caractère familial et français qui est à l’origine du succès mondial de cette marque emblématique. LVMH apportera un soutien sans réserve à la stratégie menée par la famille fondatrice et par les équipes dirigeantes (…). Le Groupe LVMH tient à préciser qu’il n’envisage nullement, ni de présenter une offre publique d’achat, ni de prendre le contrôle d’Hermès, ni de solliciter une représentation au sein du Conseil de surveillance », d’autre part, qu’elle détenait « un contrat d’instrument financier qui porte sur 3 001 246 actions Hermès International dont il a l’intention de demander la conversion ».

Le 18 octobre 2010, le Business committee de CA-CIB avait décidé, « eu égard notamment au respect des règles relatives aux abus de marché et à l’information du marché (…), et sous réserve d’analyses ultérieures de nos conseils juridiques (…), qu’à la condition expresse que le client informe le marché de manière exacte, précise et sincère sur l’existence et le détail de sa participation stratégique dans Gold (provenant de 4,9% détenus en direct + transformation d’un PRS cash settled portant sur 3% du capital de Gold), d’accepter la novation du PRS et de procéder à la livraison des titres » ;

Les deux contrats d’ELS conclus entre CA-CIB et Harmony ayant été transférés le 22 octobre 2010 à la société Sofidiv, cette dernière et la banque ont conclu le 24 octobre 2010 un dernier avenant prévoyant le dénouement en titres du contrat « Gold 1 » et la livraison de 3 001 246 actions Hermès à Sofidiv.

Par communiqué du 24 octobre 2010, la société Hermès a rappelé que « l’actionnariat familial est, avec près de ¾ du capital, largement majoritaire et parfaitement uni pour la suite d’un projet d’entreprise commun. Le maintien du contrôle à long terme de la société Hermès est garanti par son statut de société en commandite par actions et les actionnaires de la famille Hermès confirment qu’aucun projet de cession significative de capital n’est envisagé ». Le lendemain, elle a précisé que « la famille Hermès contrôle près de 75% du capital de la société Hermès International. Elle a réuni conjointement le Conseil de gérance et le Conseil de surveillance à la suite des opérations intervenues sur les titres de la société. Des mouvements non sollicités sur le capital ont conduit la famille à confirmer sa parfaite unité et sa volonté unanime de maintenir dans le long terme son contrôle ».

Par communiqué du 26 octobre 2010, LVMH a déclaré que « le contrat d’instrument financier mentionné dans le communiqué LVMH en date du 23 octobre 2010 et portant sur 3 001 246 actions Hermès International ayant fait l’objet d’un avenant, LVMH a porté sa participation totale (…) à 18 017 246 actions, représentant 17,1% du capital d’Hermès International ».

Par courrier reçu le 27 octobre 2010 par l’AMF, LVMH a déclaré avoir franchi à la hausse :

- le 21 octobre 2010, indirectement, par l’intermédiaire de sociétés qu’elle contrôle, les seuils de 5% du capital et des droits de vote et 10% du capital de la société Hermès et détenir 15 016 000 actions représentant autant de droits de vote, soit 14,22% du capital et 8,95% des droits de vote ;

- le 24 octobre 2010, indirectement, par l’intermédiaire de sociétés qu’elle contrôle, les seuils de 10% des droits de vote et 15% du capital de la société Hermès et détenir 17,07% du capital et 10,74% des droits de vote.

La déclaration de franchissement de seuils précise les circonstances dans lesquelles Sofidiv a demandé le dénouement des ELS en titres.

Le même jour, LVMH a procédé à une déclaration d’intention dans laquelle elle a notamment précisé :

- ne pas envisager de demander sa nomination ou celle de personnes la représentant au conseil de surveillance d’Hermès ;

- avoir financé les acquisitions des actions avec les ressources propres de son groupe ;

- ne pas envisager de prendre le contrôle d’Hermès.

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Le 5 décembre 2010, Hermès a annoncé son intention de créer « une société holding familiale distincte d’Emile Hermès dont la vocation sera de détenir des actions apportées par les membres familiaux représentant plus de 50% du capital d’Hermès international ». Les actionnaires ont, en conséquence, sollicité une dérogation à l’obligation de déposer un projet d’offre publique visant les actions de la société Hermès International, laquelle leur a été octroyée par l’AMF le 7 janvier 2011.

Par communiqué du 21 décembre 2010, le groupe LVMH a annoncé avoir franchi le seuil de 20% du capital de la société Hermès International. Il a été procédé à la déclaration du franchissement de seuils par un courrier reçu le même jour à l’AMF, qui précisait que LVMH détenait 20,21% du capital et 12,73% des droits de vote. A alors été indiquée l’existence d’un « equity swap » portant sur l’équivalent de 204 056 actions Hermès, avec dénouement exclusivement en espèces, dont la date d’échéance était fixée à l’issue de la période de dénouement débutant le 4 avril 2014. Enfin, LVMH a procédé à la même déclaration d’intention que celle du 27 octobre 2010.

II. Procédure

Le 5 novembre 2010, le secrétaire général de l’Autorité des marchés financiers (ci-après l’ « AMF ») a ouvert une enquête relative à Hermès et LVMH, portant sur le marché des titres et l’information financière à partir du 1er décembre 2007. Le 17 novembre 2011, il a décidé de disjoindre l’enquête sur Hermès de celle sur LVMH.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 10 avril 2012, la Direction des enquêtes et des contrôles (ci-après « DEC ») a adressé à la société LVMH, prise en la personne de M. A, une lettre circonstanciée exposant, « en application de l’article 144-2-1 du règlement général de l’AMF, l’analyse qui pourrait être (…) [la sienne] sur les principaux éléments de fait ou de droit consignés par les enquêteurs ».

Par lettre recommandée avec avis de réception du 20 avril 2012, Maître Georges Terrier, conseil de LVMH, a sollicité, « conformément aux dispositions de la Charte de l’enquête du 13 décembre 2010, notamment celle du paragraphe intitulé « Information et droit pour les personnes susceptibles d’être mises en cause de répondre avant la conclusion de l’enquête » et aux principes directeurs de l’enquête », la communication des pièces « auxquelles se réfère directement la lettre circonstanciée ».

Par courrier du 24 avril 2012, le secrétaire général adjoint de l’AMF a autorisé le conseil de la société LVMH à se présenter à l’AMF le 25 avril 2012 pour consulter les procès-verbaux des auditions de M. M. B des 14 juin 2011 et 9 janvier 2012 visés dans la lettre circonstanciée. A cette occasion, la DEC a précisé qu’afin de préserver le secret professionnel auquel sont astreints notamment « les membres, les personnels et préposés de l’Autorité des marchés financiers » au cours de l’enquête, « aucune extraction, impression ou copie des documents mis à disposition pour consultation ne sera autorisée ».

Par courrier du 11 mai 2012, la société LVMH a présenté ses observations sur la lettre circonstanciée en indiquant entendre «rétablir les faits dans leur réalité et dans leur ordre chronologique » et en formulant « ses réserves quant au respect par la Direction des enquêtes des droits fondamentaux de la défense et des principes de la Charte de l’enquête ». Par une autre lettre du même jour, M. A a exposé la chronologie des faits afin de démontrer que LVMH n’avait pas « prémédité de transformer ses ELS dénouables en numéraire dans le but d’acquérir les actions de couverture des banques ».

Le Collège s’est réuni le 3 juillet 2012 en formation plénière, en application de l’article L. 621-2 du code monétaire et financier, pour examiner le rapport d’enquête établi le 18 juin 2012 et a décidé que des griefs devaient être notifiés à LVMH. Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 13 août 2012, auquel était joint le rapport d’enquête, le président de l’AMF a notifié ces griefs à LVMH en l’informant, d’une part, de la transmission de la lettre de notification à la présidente de la Commission des sanctions pour attribution et désignation d’un rapporteur, d’autre part, du délai de deux mois dont elle disposait pour présenter des observations écrites en réponse, ainsi que de la possibilité de se faire assister de toute personne de son choix et de prendre connaissance des pièces du dossier dans les locaux de l’AMF.

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Par lettre du 13 août 2012, le président de l’AMF, en application de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier, a informé la présidente de la Commission des sanctions de la décision prise par le Collège et de la désignation de M. Philippe Adhémar pour le représenter devant la Commission.

En substance, il est reproché à LVMH, d’une part, d’avoir délivré au public une information inexacte, imprécise ou non sincère sur les titres Hermès qu’elle détenait déjà, d’autre part, de ne pas avoir informé le marché de la préparation de l’opération financière d’acquisition d’une participation de plus 10% des droits de vote et 15% du capital de la société Hermès.

Le 10 septembre 2012, la présidente de la Commission des sanctions a désigné M. Michel Pinault en qualité de rapporteur, ce dont LVMH a été informée par une lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 14 septembre 2012 lui rappelant la possibilité d’être entendue, à sa demande, en application du I de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 19 septembre 2012, le secrétaire de la Commission des sanctions a informé LVMH du délai d’un mois dont elle disposait, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander la récusation du rapporteur.

Des observations écrites sur les griefs notifiés ont été présentées le 12 octobre 2012 par LVMH qui, par courrier du 14 mars 2013, a demandé à être entendue. Le rapporteur a procédé à l’audition de la société mise en cause, représentée par M. M. B, le 28 mars 2013. Celle-ci a, le lendemain, adressé au rapporteur des observations complémentaires.

Le rapporteur a également entendu le 4 avril 2013, en qualité de témoin, la société Hermès International, représentée par M. G. Par courrier du 9 avril 2013, LVMH a formulé des observations sur la teneur de cette audition.

Par courrier recommandé avec demande d’avis de réception du 12 avril 2013, auquel était joint le rapport de M. Michel Pinault, la société mise en cause a été convoquée à la séance de la Commission des sanctions.

Par lettre remise par porteur du 30 avril 2013, elle a été informée de la composition de la formation de la Commission des sanctions lors de la séance, ainsi que du délai de quinze jours dont elle disposait en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier pour demander la récusation, conformément aux articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code, de l’un ou l’autre de ses membres.

Par courrier remis par porteur le 2 mai 2013, LVMH a formulé des observations en réponse au rapport du rapporteur.

Par lettre du 29 avril 2013, le conseil de LVMH a demandé au rapporteur que soit versée à la procédure une copie de l’avis de l’Autorité des marchés financiers sollicité par le procureur de la République de Paris à la suite de la plainte déposée par la société Hermès International pour délits d’initié et de manipulation de cours. Le 2 mai 2013, le rapporteur a transmis cette demande au secrétaire général de l’AMF invité, s’il l’estimait possible, à verser une copie de cet avis au dossier de la procédure. Le conseil de la société a réitéré sa demande par lettre du 7 mai 2013. Le même jour, le secrétaire général de l’AMF a informé le rapporteur de la transmission, la veille, au procureur de la République et aux juges d’instruction saisis de la plainte d’Hermès International, de la demande de versement de l’avis de l’AMF au dossier de la procédure de sanction. Par courrier du 14 mai 2013, le procureur de la République de Paris s’est opposé au versement de cette pièce, couverte par le secret de l’instruction.

Par courrier remis par porteur le 14 mai 2013, la société LVMH a demandé la récusation d’un des membres délibérants de la Commission des sanctions qui, par courrier du 16 mai 2013, après avoir contesté les arguments présentés au soutien de cette demande, a indiqué avoir décidé qu’il s’abstiendrait de participer à la formation de la Commission des sanctions appelée à examiner cette procédure.

Par courrier du 22 mai 2013 remis par porteur, la société LVMH a formulé de nouvelles observations écrites.

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Le 27 mai 2013, le conseil de LVMH a adressé, par porteur, au procureur de la République de Paris, une demande motivée en vue de voir verser l’avis de l’Autorité des marchés financiers au dossier de la procédure de sanction. Le parquet a réitéré son refus par courrier du même jour.

A la suite d’un recours hiérarchique formé par le conseil de LVMH auprès du procureur général de la cour d’appel de Paris, le 28 mai 2013, le procureur de la République a informé le secrétaire général de l’AMF, par courrier reçu à l’AMF le 30 mai 2013, de son accord au versement de l’avis à la présente procédure.

Par lettre du 30 mai 2013, le secrétaire général de l’AMF a transmis au rapporteur de la Commission des sanctions une copie de la lettre du parquet de Paris et de l’avis formulé par l’AMF, le 2 octobre 2012, dans le cadre de la plainte déposée par la société Hermès International.

Cet avis a été transmis, le même jour, au conseil de LVMH qui a formulé des observations écrites en fin de journée.

Par courrier du 6 juin 2013 remis par porteur, la société LVMH a formulé de nouvelles observations écrites.

Partie 2 : EXAMEN DES MOYENS DE PROCEDURE

I – Sur le manquement des enquêteurs à leur obligation de loyauté

Considérant que LVMH soutient qu’en violation des droits fondamentaux de la défense, du principe de loyauté et des règles énoncées par la charte de l’enquête du 13 décembre 2010, les enquêteurs l’auraient privée de la possibilité de se défendre utilement en lui refusant l’accès à l’intégralité des « pièces qui s’avèrent essentielles à la compréhension » de la lettre circonstanciée et auraient ainsi faussé l’appréciation du Collège, de sorte que la procédure devrait être annulée dans son ensemble ;

Considérant, en droit, que le respect du principe du contradictoire n’est pas exigé au stade de l’enquête et ne s’impose qu’à partir de la notification des griefs qui, seule, donne accès à tous les éléments du dossier ; que l’article 144-2-1 du règlement général de l’AMF dispose qu’avant « la rédaction finale du rapport d’enquête, une lettre circonstanciée relatant les éléments de fait et de droit recueillis par les enquêteurs est communiquée aux personnes susceptibles d’être ultérieurement mises en cause (…) » ; qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit que cette lettre soit accompagnée des pièces susceptibles d’établir ou de qualifier les faits qui y sont relatés ; que la charte de l’enquête, document à vocation incitative et informative, mais dépourvu de valeur normative, précise, certes, que peuvent être jointes à la lettre circonstanciée les pièces « essentielles à sa compréhension » ; qu’il va cependant de soi, avant comme après la modification de cette charte, intervenue le 10 octobre 2012, que c’est aux enquêteurs qu’il appartient, au cas par cas, d’apprécier s’il est indispensable à la compréhension de la lettre circonstanciée de communiquer à son destinataire des documents et, le cas échéant, de déterminer lesquels ; que ceux-ci ont en effet l’obligation de concilier l’exercice des droits de la défense avec le respect du secret professionnel auquel ils sont astreints par la loi, laquelle ne prévoit pas une telle communication à ce stade de la procédure ; que ce n’est qu’à partir de la notification de griefs que la personne mise en cause, accédant à l’intégralité des pièces recueillies et des actes établis, peut s’assurer que la recherche des preuves a été réalisée dans le strict respect du principe de loyauté ; que ce principe s’impose en effet dès l’ouverture de l’enquête, qui doit avoir été conduite par les enquêteurs de façon à ne porter aucune atteinte irrémédiable aux droits de la défense ;

Considérant qu’en l’espèce, LVMH ne conteste pas la manière dont les enquêteurs ont recueilli les documents utiles à l’analyse des faits ; que, comme il a été rappelé ci-dessus (partie 1, II), après avoir pris connaissance de la lettre circonstanciée qui lui a été envoyée le 10 avril 2012, la société a demandé communication des pièces auxquelles cette lettre « se réfère directement » ; que, si sa demande n’a pas pu être entièrement satisfaite, son conseil a été autorisé à consulter sur place les procès-verbaux des auditions de M. M. B visés dans la lettre

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circonstanciée, ce qu’il a fait le 25 avril 2012 ; qu’ensuite, les pièces qui avaient été sollicitées ont toutes été annexées au rapport d’enquête, qui a été joint à la notification de griefs ;

Considérant en outre que, contrairement à ce qui est soutenu, l’instruction faite et les conclusions prises par le rapporteur n’ont pas excédé le périmètre des griefs notifiés ;

Considérant qu’ainsi, à tous les stades de la procédure, LVMH a été mise en mesure de faire valoir utilement ses droits ; que, dès lors, le moyen ne peut qu’être écarté ;

II – Sur la dénaturation et la distraction des éléments à décharge dans le rapport d’enquête

Considérant que, selon la mise en cause, les enquêteurs auraient faussé l’appréciation du Collège chargé de statuer sur les suites de l’enquête en dénaturant volontairement, voire en distrayant du rapport d’enquête, de nombreux éléments factuels ;

Considérant, tout d’abord, que LVMH ne rapporte pas la preuve des reproches formulés à l’égard des enquêteurs, dont il n’est nullement démontré que, manquant à leur devoir de loyauté, ils auraient distrait de la procédure ou dénaturé des documents de nature à influer sur l’appréciation, par le Collège, des faits soumis à son examen ; qu’il résulte au contraire de l’examen du rapport d’enquête que celle-ci a été conduite à charge et à décharge ; qu’en outre, l’analyse des enquêteurs n’est qu’un élément d’appréciation parmi l’ensemble des pièces du dossier ; que la mise en cause a pu, tant durant l’enquête que dans sa réponse à la lettre circonstanciée, produire tout document qu’elle estimait utile à sa défense ; que les éléments « à décharge et/ou explicatifs » ainsi produits ont tous été annexés au rapport d’enquête dont le Collège a pris connaissance avant de se prononcer ;

Considérant qu’il résulte d’une jurisprudence constante, et notamment de l’arrêt du 14 mai 2008 de la chambre criminelle de la Cour de cassation (Bulletin 2008, N° 115), qu’à le supposer avéré, le défaut d’impartialité d’un enquêteur ne pourrait constituer une cause de nullité que s’il était démontré qu’il a eu pour effet, au sens de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, de porter atteinte au caractère équitable et contradictoire de la procédure suivie devant la Commission des sanctions ou de compromettre l’équilibre des droits des parties ; qu’en l’espèce, n’est produit aucun élément susceptible, tout à la fois, de remettre en cause l’impartialité des enquêteurs et d’entraîner un tel déséquilibre ;

Considérant, ensuite, que la mise en cause ne saurait se faire un grief de ce que le secrétaire général de l’AMF a décidé, le 17 novembre 2011, de disjoindre l’enquête portant sur Hermès de celle relative à l’information financière dispensée par LVMH, qui est la seule à avoir donné lieu à l’ouverture d’une procédure de sanction ; qu’elle a pris connaissance de cette disjonction, dont il est fait état en première page du rapport d’enquête, dès que les griefs objet de la présente poursuite lui ont été notifiés ; que LVMH, qui disposait de cette information, n’a formulé, ni auprès du rapporteur, ni avant ou durant la séance, de demande de communication du rapport d’enquête disjointe, dont elle ne pouvait ignorer qu’elle n’avait pas entraîné de notification de griefs à son encontre ; qu’elle se borne à soutenir, dans ses dernières écritures, que les éléments de cette enquête auraient été « soustraits de la présente procédure », ce qui, selon elle, justifierait une annulation de la poursuite ; que l’argument est inopérant, l’enquête à laquelle aucune suite n’a été réservée étant couverte par le secret et ayant porté sur des faits qui, d’une part, concernent un autre émetteur, d’autre part, sont distincts de ceux dont est saisie la Commission des sanctions ; qu’il s’agit en effet de la société Hermès, et plus particulièrement du marché du titre examiné sous l’angle d’un « manquement d’initié ou de manipulation de cours » (D12118) ;

Considérant que le moyen doit donc être rejeté ;

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III – Sur le moyen tiré de l’avis formulé par l’AMF à la suite de la demande du procureur de la République de Paris, saisi de la plainte d’Hermès

Considérant que LVMH soutient que l’avis formulé le 2 octobre 2012 par l’AMF à la suite de la plainte pénale dont elle a fait l’objet de la part d’Hermès serait « en complète contradiction avec la notification de griefs » et que son versement tardif, le 30 mai 2013, au dossier de la présente procédure l’aurait privée des éléments nécessaires à la préparation de sa défense, ce qui constituerait « un vice définitif qui ne saurait être couvert » ;

Considérant que, comme il a été rappelé ci-dessus (partie 1, II), saisi par le conseil de LVMH de la demande de communication de cet avis, le rapporteur a invité le secrétaire général de l’AMF à le verser, s’il l’estimait possible, au dossier de la procédure de sanction ; qu’avant de procéder au versement de la pièce, ce dernier a sollicité l’accord du procureur de la République et des juges d’instruction en charge du dossier pénal ; que le procureur de la République, après s’être, par courrier du 14 mai 2013, opposé à la communication de cet avis, au motif qu’il était couvert par le secret de l’instruction, a finalement, par lettre du 29 mai 2013, consenti à ce que la pièce soit versée au dossier, ce qui a été fait sur le champ, le conseil de LVMH en ayant été avisé le 30 mai 2013 ;

Considérant que l’AMF, tenue, en application des articles L. 465-1 et suivants du code monétaire et financier, de faire connaître au procureur de la République son avis sur la plainte déposée par Hermès pour manipulation de cours, délit d’initié et complicité, a, dans sa réponse, pris parti sur la caractérisation de ces infractions pénales, qui, d’une part, sont d’une toute autre nature que le manquement administratif de non respect de l’obligation d’informer le public de la préparation d’une opération financière reproché à LVMH, d’autre part, concernent des faits distincts de ceux soumis à la présente Commission ; que la plainte invoque en effet deux « informations privilégiées » qui procèderaient, l’une, de la participation de 4,9% de LVMH dans le capital d’Hermès, en 2002, l’autre, de la constitution d’un intérêt sur 17% du capital d’Hermès au travers de la conclusion de l’ensemble des ELS et de la participation de 4,9%, tandis que la notification de griefs, outre qu’elle est limitée aux seuls ELS conclus avec Nexgen et la Société Générale, porte sur la préparation d’une opération financière, au sens de l’article 223-6 du règlement général de l’AMF, laquelle suppose, non pas une quelconque référence à la notion d’information privilégiée, mais la recherche de la date à partir de laquelle LVMH a eu la capacité et la possibilité juridique de dénouer les contrats d’ELS en acquérant les titres, date fixée par la notification de griefs au 21 juin 2010 ; qu’ainsi, les informations privilégiées invoquées – qui supposent notamment un caractère de précision non requis en l’espèce – n’ont rien à voir, dans leur contenu et dans leur date, avec la préparation d’une opération financière ; qu’en outre, l’incidence sur le cours de la montée au capital d’Hermès ne saurait être appréciée de manière rigoureusement identique ; que d’ailleurs, l’évolution des actions Hermès est la seule visée à l’occasion des délits reprochés à LVMH ;

Considérant, en tout état de cause, que l’avis formulé le 2 octobre 2012, à supposer même qu’il ait pu porter sur une question en relation avec l’une de celles posées par la présente procédure, laisse entière la liberté d’appréciation de la Commission des sanctions, organe de jugement en tous points distinct du Collège de l’AMF ; que le moyen ne saurait donc être retenu ;

IV – Sur le moyen tiré de l’atteinte à la présomption d’innocence de LVMH

Considérant que, selon LVMH, d’une part, l’entretien donné par le président de l’AMF, le 6 novembre 2010, à un journaliste à propos de « la loi sur les seuils qui va être modifiée », d’autre part, diverses publications dans la presse, et plus spécialement l’article paru dans le quotidien « Le Monde », le 19 mai dernier, révélant des informations contenues dans le rapport d’enquête et relevant que « pour l’AMF l’ensemble des faits ne trouve tout son sens que dans la préparation d’une montée au capital d’Hermès », constituent une atteinte à la présomption d’innocence et une violation de la confidentialité qui s’attache à ce rapport ;

Considérant, tout d’abord, que les propos d’ordre général tenus le 6 novembre 2010 par le président de l’AMF en fonction à l’époque sur les missions du régulateur et la nécessité d’assurer la transparence du marché face à l’utilisation de nouveaux instruments financiers ne sauraient être regardés comme constituant une atteinte à la présomption d’innocence de la mise en cause, dès lors que l’ouverture d’une enquête sur les conditions de l’entrée de LVMH au capital d’Hermès est seulement évoquée, sans qu’y soient associées ni une appréciation de

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ces faits ni la moindre indication sur les investigations entreprises et les suites susceptibles de leur être réservées ;

Considérant, ensuite, que, s’il est tout à fait regrettable que la presse se soit fait l’écho d’éléments confidentiels qui n’auraient pas dû parvenir à sa connaissance, et encore moins être divulgués, il demeure que les publications incriminées relèvent de la seule responsabilité de ceux qui en ont pris l’initiative ; qu’aucun élément ne permet d’imputer à l’AMF le préjudice résultant, pour LVMH, d’articles de presse qui ne sauraient, à eux seuls, affecter la régularité de la présente procédure ;

Considérant, enfin, qu’aucun des membres de la Commission des sanctions – qui bénéficie de toutes les garanties d’indépendance attachées à sa fonction – n’a formulé, à un moment quelconque, la moindre opinion susceptible de mettre en cause la présomption d’innocence de LVMH ;

Considérant que l’atteinte aux droits de la défense dont la mise en cause entend se prévaloir n’est donc pas caractérisée, de sorte que le moyen sera écarté ;

Partie 3 : EXAMEN DES GRIEFS NOTIFIES

I. Sur le grief tiré de la délivrance au public d’une information inexacte, imprécise ou non sincère

Considérant qu’il est reproché à LVMH, sur le fondement de l’article 223-1 du règlement général de l’AMF, d’avoir délivré au public une information inexacte, imprécise ou non sincère relative au traitement comptable des titres Hermès détenus « en dur » et des ELS ayant eu pour sous-jacent les actions du même émetteur ;

Considérant que l’article 223-1 du règlement général de l’AMF dispose que « L’information donnée au public par l’émetteur doit être exacte, précise et sincère » ;

Considérant, en premier lieu, que LVMH conteste l’application de ce texte aux documents comptables établis par les émetteurs, au motif que « les dispositions du RG AMF relatives à l’information comptable et financière ne prévoient aucune règle particulière relative aux qualités que doivent remplir les rapports annuels et semestriels. Ces rapports, qui sont exclusivement constitués par les documents comptables établis par la société, sont exclusivement régis par les normes comptables et le code de commerce » ;

Considérant, cependant, que les documents comptables, dès lors qu’ils doivent être rendus publics, tombent sous le coup des obligations d’information incombant aux émetteurs en application du règlement général de l’AMF qui régit, d’une part, l’information périodique, d’autre part, l’information permanente ;

Considérant que l’article 223-1 précité est inséré dans le chapitre relatif à l’information permanente ; que l’émetteur dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé doit respecter à tout moment les dispositions relatives à l’ « information permanente », à moins qu’une règle spéciale sur l’information périodique, et notamment sur les rapports financiers, n’y déroge expressément ; qu’en l’absence de disposition dérogatoire spécifique, l’article précité a donc vocation à s’appliquer aux documents comptables rendus publics et, notamment, aux rapports financiers ;

Considérant que LVMH soutient, en second lieu, que pour constituer un manquement à l’article 223-1 du règlement général de l’AMF, une information « d’ordre comptable ne doit pas seulement violer les normes comptables, elle doit également conduire à donner une fausse image de la société – et donc de son patrimoine » ;

Considérant toutefois que, quand bien même l’erreur comptable serait sans incidence sur le bilan ou le patrimoine de la société, l’information donnée à cette occasion reste soumise à l’exigence de sincérité, d’exactitude et de précision qui s’impose à l’émetteur ; que la caractérisation d’un manquement à l’article 223-1 du règlement général de l’AMF n’est, en outre, pas subordonnée à la constatation de ce que l’inexactitude, l’imprécision ou le

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défaut de sincérité de l’information contenue dans les rapports annuels procède d’une erreur significative ; que c’est pour apprécier la gravité du grief, et non pour en caractériser l’existence, que l’incidence sur le bilan ou le patrimoine social et le caractère significatif de l’information peuvent être pris en considération ;

Considérant qu’il appartient donc à la Commission des sanctions, non pas de se prononcer sur l’orthodoxie de l’application des règles comptables, mais de rechercher si, « in fine », l’information communiquée au public est suffisamment exacte, précise et sincère pour satisfaire aux exigences de l’article 223-1 du règlement général de l’AMF ;

I.1. Sur la comptabilisation de la participation acquise « en dur » dans le capital d’Hermès

Considérant qu’il est reproché à LVMH d’avoir, de façon irrégulière, comptabilisé les titres Hermès acquis en 2001 et 2002 dans la rubrique « Autres actifs non courants » sans indiquer le montant de la valeur comptable de ces actifs disponibles à la vente, de sorte que l’information donnée à ce sujet aurait été, dans les comptes aux 31 décembre 2007 et 2008, inexacte et, dans les comptes au 31 décembre 2009, totalement absente ;

Considérant que la norme IAS1 relative à la présentation des états financiers prescrit « une base de représentation des états financiers à usage général, afin qu’ils soient comparables tant aux états financiers de l’entité pour les périodes antérieures qu’aux états financiers d’autres entités » ; que l’objectif des états financiers à usage général est de fournir des informations sur la situation financière, la performance financière et les flux de trésorerie de l’entité qui soient utiles à un large éventail d’utilisateurs et facilitent la prise de décisions économiques ; que, pour remplir cet objectif, les états financiers de l’émetteur doivent notamment fournir des informations sur ses actifs ;

Considérant que le paragraphe 29 de la norme IAS 1 dispose que « chaque catégorie significative d’éléments similaires doit faire l’objet d’une présentation séparée dans les états financiers. Les éléments de nature ou de fonction dissemblables sont présentés séparément, sauf s’ils sont non significatifs » ; que le paragraphe 30 précise sur ce point que « les états financiers résultent du traitement d’un nombre important de transactions ou autres événements qui sont regroupés en catégories selon leur nature ou leur fonction. Le stade final du processus de regroupement et de classification est la présentation de données condensées et ordonnées formant des postes se retrouvant dans le corps du bilan, du compte de résultat, de l’état des variations des capitaux propres, du tableau des flux de trésorerie ou dans les notes. Un poste qui, pris individuellement, n’est pas d’une importance significative, est regroupé avec d’autres postes soit dans le corps des états financiers soit dans les notes. Un élément dont le montant n’est pas suffisamment significatif pour justifier une présentation séparée dans le corps des états financiers peut néanmoins être suffisamment significatif pour faire l’objet d’une présentation séparée dans les notes » ; que le paragraphe 54 sur l’état de situation financière impose, au minimum, un poste relatif aux « actifs financiers » au titre de la période concernée ;

Considérant que la norme IAS 1 distingue les actifs courants des actifs non-courants, ces derniers regroupant les immobilisations corporelles, les immobilisations incorporelles et les actifs financiers destinés à être détenus pour une longue durée ; qu’elle n’interdit cependant pas d’autres présentations, dans la mesure où leur sens est clair ;

Considérant, en l’espèce, que la comptabilisation des titres Hermès acquis par LVMH en 2001 et 2002 a été faite sous la rubrique des « actifs non courants » et répartie entre deux postes du bilan, ceux des « Investissements financiers » et des « Autres actifs non courants » ; qu’en toute hypothèse, les actions figurent, dans les bilans consolidés, sous la rubrique des actifs disponibles à la vente (« available for sale » ou « AFS ») dont, en application de la norme IFRS 7, « la valeur comptable » doit être fournie « soit au bilan, soit dans les annexes des états financiers » ;

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Considérant, tout d’abord, que la ventilation des titres entre les deux postes d’actifs non courants est la suivante :

- au poste « Investissements financiers », les actions Hermès figurent pour 70 millions d’euros au 31 décembre 2007, 73 millions d’euros au 31 décembre 2008 et 68 millions d’euros au 31 décembre 2009 ;

- au poste « Autres actifs non courants », les actions Hermès figurent pour 388 millions d’euros au 31 décembre 2007, 449 millions d’euros au 31 décembre 2008 et 419 millions d’euros au 31 décembre 2009 ;

Considérant qu’ainsi, LVMH a comptabilisé la majeure partie des titres – 4 486 000 actions – dans la rubrique subsidiaire des « Autres actifs non courants » et le reste, pour un montant très nettement inférieur – 730 000 actions – dans la rubrique principale intitulée « Investissements financiers » ; que la mise en cause, après avoir indiqué aux commissaires aux comptes que cette répartition procédait, tantôt « du mode de détention », tantôt de « raisons de confidentialité », a déclaré, dans sa réponse à la lettre circonstanciée, être « disposée à reconnaître que le classement en « Autres actifs financiers non courants » relevait d’une erreur à l’origine dont la correction aurait suscité des questions et il n’a pas été jugé utile d’y procéder » ;

Considérant que l’application de la norme IAS 1, et plus spécialement des paragraphes 29, 54, 55 et 57, aurait dû conduire LVMH à comptabiliser au sein d’un même poste l’intégralité des titres Hermès, lesquels constituent, à eux seuls, une catégorie significative d’éléments identiques qui n’ont, dès lors, pas à faire l’objet d’une présentation comptable distincte ; que la création de lignes supplémentaires n’est, en effet, prévue que si elle est pertinente pour la compréhension de la situation financière de l’entité ;

Considérant que cette méthode de comptabilisation, qualifiée de « dérogatoire » par les commissaires aux comptes, ne peut s’expliquer par la détention, par deux filiales différentes, des titres Hermès, la « nature ou [la]

fonction » de ces titres, au sens de la norme IAS 1, étant la même ; qu’elle est trop atypique pour pouvoir procéder d’une simple erreur ; qu’il convient donc de rechercher si elle ne trouverait pas sa source dans le souci, dont LVMH a fait état auprès de ses commissaires aux comptes, de préserver la confidentialité de sa participation dans le capital d’Hermès ;

Considérant que, si cette participation était alors inférieure au seuil de 5%, de sorte que la mise en cause n’était tenue ni d’informer le marché du nombre d’actions détenues ni de comptabiliser les titres Hermès sous leur nom, il demeure qu’elle les a enregistrés sous deux rubriques distinctes, en concentrant l’essentiel de sa participation dans un poste subsidiaire revêtant un intitulé peu évocateur de son contenu réel ; que ce choix de comptabilisation doit être comparé avec les informations qu’avait pour habitude de donner LVMH ; que, dans les annexes relatives aux « Investissements financiers », étaient systématiquement détaillées, de façon individualisée, les autres participations qui, pourtant, représentaient des valeurs nettes comptables sensiblement moindres et une quote-part du capital des émetteurs concernés inférieure aux 4,9% du capital social d’Hermès détenus par LVMH ; que la comptabilisation des titres Hermès en deux lignes distinctes constitue donc, de la part de la mise en cause, une dérogation à son habitude de nommer et de détailler ses participations ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la comptabilisation, en deux postes distincts, des titres Hermès détenus « en dur » et l’absence de toute information à ce sujet dans les rapports financiers des exercices 2007, 2008 et 2009 ont eu pour objet et pour effet de masquer cette participation ; que, toutefois, le procédé utilisé, outre qu’il n’a pas, comme l’ont relevé les enquêteurs, « altéré ou faussé l’image du bilan consolidé ou des résultats financiers, les montants ayant été comptabilisés pour un montant non contesté, si bien que le public n’a pas été abusé sur la situation financière de la société LVMH », n’a pas privé le marché des informations qui auraient dû lui être communiquées, s’agissant d’une participation inférieure au seuil de 5% à partir duquel la mise en cause aurait été tenue d’indiquer au public le nombre d’actions détenues et le nom de l’émetteur ; que ces faits ne caractérisent donc pas un manquement à l’obligation de donner une information précise et sincère ; qu’ils ne constituent, en tant que tels, que l’un des éléments d’appréciation susceptibles d’être retenus à l’occasion de l’analyse du grief tiré du défaut d’information du public quant à la préparation d’une opération financière (partie 3, II) ;

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I.2. Sur la comptabilisation des ELS

Considérant que la comptabilisation des ELS est également critiquée par la notification de griefs, selon laquelle « la présentation adoptée par LVMH consistant à ne pas indiquer que le risque actions était presque exclusivement, voire totalement selon les années, concentré sur un seul sous-jacent (à savoir le titre Hermès), a conduit à fournir au public une information incomplète sur les ELS » ;

Considérant que les dispositions de la norme IFRS 7, spécialement les paragraphes 31 et suivants, imposent à toute société de fournir, dans ses rapports financiers annuels, les informations qualitatives et quantitatives permettant d’évaluer la nature et l’étendue des risques portant sur les instruments financiers auxquels elle est exposée à la clôture de ses comptes ; que ces risques s’entendent de ceux qui découlent des instruments financiers eux-mêmes et de la façon dont ils sont gérés, ainsi que des risques de crédit, de liquidité et de marché ; qu’en effet, le paragraphe 34 c) de cette norme dispose que « Pour chaque type de risque découlant d’instruments financiers, une entité doit fournir : (a) Des informations quantitatives sur son exposition au risque à la date de clôture, sous une forme abrégée. Ces informations doivent être basées sur les informations fournies en interne aux principaux dirigeants de l’entité (…) par exemple le conseil d’administration et le président directeur général ; (b) Les informations exigées aux paragraphes 36 à 42 [risque de crédit, risque de liquidité et risque de marché] dans la mesure où elles ne sont pas fournies en application du point (a), sauf lorsque le risque n’est pas significatif ; (c) Des informations sur les concentrations du risque, lorsque celles-ci ne ressortent pas de (a) et (b) » ;

Considérant que les états financiers de LVMH devaient donc comporter les informations qualitatives et quantitatives, d’une part, sur les instruments financiers acquis et/ou conclus, d’autre part, sur la concentration des risques ;

Considérant qu’il était indiqué, dans la note 21.6 relative aux instruments financiers liés à la gestion du risque actions, figurant dans le document de référence qui porte sur les comptes clôturés le 31 décembre 2008 : « Le Groupe peut utiliser des instruments dérivés sur actions ayant pour objet de construire synthétiquement une exposition économique à des actifs particuliers, ou de couvrir les plans de rémunérations liées au cours de l’action LVMH et dénouées en numéraire. La valeur comptable retenue pour ces instruments, qui ne font pas l’objet d’une cotation, correspond à l’estimation, fournie par la contrepartie, de la valorisation à la date de clôture. La valorisation des instruments financiers tient ainsi compte de paramètres de marché tels les taux d’intérêt, le cours de bourse, et la volatilité. D’un montant nominal de 1,1 milliard d’euros, ces instruments financiers auraient, en cas de variation uniforme de 1% des cours de leurs sous-jacents au 31 décembre 2008, un effet net sur le résultat du Groupe d’environ 9 millions d’euros. Les instruments dérivés liés à la gestion du risque actions en vie au 31 décembre 2008 ont une valeur de marché positive de 65 millions d’euros. Ces instruments sont à échéance 2010 et 2011 principalement » ; qu’il était précisé, dans le document de référence portant sur les comptes clôturés le 31 décembre 2009, que « La valorisation des instruments tient compte de paramètres de marchés tels les taux d’intérêts, le cours de bourse, et la volatilité. D’un montant nominal de 1 milliard d’euros, ces instruments financiers auraient, en cas de variation uniforme de 1% des cours de leurs sous-jacents au 31 décembre 2009, un effet net sur le résultat du Groupe d’environ 11 millions d’euros. Les instruments dérivés liés à la gestion du risque actions en vie au 31 décembre 2009 ont une valeur de marché positive de 65 millions d’euros. Ces instruments sont à échéance 2010 et 2011, principalement » ;

Considérant qu’ainsi, LVMH n’a fourni, contrairement à l’obligation qui était la sienne, aucune information relative à la concentration du risque actions ;

Considérant qu’à la clôture des comptes consolidés au 31 décembre 2008, ce risque était pourtant substantiellement concentré sur les titres Hermès, dont l’exposition représentait 983 millions d’euros sur un total de 1,1 milliard d’euros ; qu’il n’a cependant pas été fait état de cette situation dans les annexes du rapport financier ;

Considérant que, à la clôture des comptes consolidés au 31 décembre 2009, l’exposition totale à ce risque représentait un peu plus d’un milliard d’euros et était exclusivement concentrée sur le titre Hermès ; qu’il aurait

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donc dû être fait mention, dans les notes annexées au rapport financier, de la concentration du risque sur ce seul titre, identifié ou non ; qu’en outre, l’utilisation d’une formulation plurielle donnait à penser que le risque était réparti entre plusieurs émetteurs, ce qui était de nature à tromper le public ;

Considérant que, si LVMH s’était acquittée de son obligation de préciser que le risque actions était concentré, entièrement ou pour l’essentiel, sur un seul titre, elle se serait exposée à de légitimes interrogations du marché sur la composition des instruments financiers liés à la gestion de ce risque, ce qu’elle a, à l’évidence, préféré éviter ;

Considérant qu’en se dérobant à cette obligation, elle a délivré une information imprécise et non sincère, au sens de l’article 223-1 du règlement général de l’AMF ; que le grief est, en conséquence, caractérisé ;

II. Sur le grief tiré du défaut d’information du public quant à la préparation d’une opération financière

Considérant qu’il est reproché à LVMH d’avoir méconnu les dispositions de l’article 223-6 du règlement général de l’AMF en s’abstenant d’informer le public, avant le 21 octobre 2010, des caractéristiques de l’opération financière, en préparation et réalisable depuis le 21 juin 2010, consistant à acquérir – via le dénouement en titres de plusieurs contrats d’ELS conclus par ses filiales avec Nexgen et la Société Générale – une participation au capital d’Hermès de plus de 9%, qui est venue s’ajouter à celle de plus de 4,9% détenue depuis les années 2001-2002 ;

Considérant qu’aux termes de l’article 223-6 du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction en vigueur au moment de faits et non modifiée depuis lors : « Toute personne qui prépare, pour son compte, une opération financière susceptible d’avoir une incidence significative sur le cours d’un instrument financier ou sur la situation et les droits des porteurs de cet instrument financier doit, dès que possible, porter à la connaissance du public les caractéristiques de cette opération. Si la confidentialité est momentanément nécessaire à la réalisation de l’opération et si elle est en mesure de préserver cette confidentialité, la personne mentionnée au premier alinéa peut prendre la responsabilité d’en différer la publication » ;

Considérant que LVMH soutient, d’une part, que, faute d’avoir eu, au sens de l’article précité, une « incidence significative », la prise de participation dans la société Hermès décidée le 21 octobre 2010 par son conseil d’administration ne peut pas s’analyser en une « opération financière », d’autre part, que le dénouement en titres des ELS et la montée au capital en résultant n’ont pas été, contrairement à ce que soutient la notification de griefs, « en préparation et réalisables depuis le 21 juin 2010 » ;

Considérant qu’il convient donc d’examiner si la prise de participation litigieuse comporte les caractéristiques exigées pour constituer une « opération financière » et, le cas échéant, de rechercher à partir de quelle date la préparation de cette opération, effectuée dans des conditions la rendant réalisable, devait être portée à la connaissance du public ;

II.1 L’opération financière visée par l’article 223-6 du règlement général de l’AMF

Considérant que, selon LVMH, l’absence de définition, par les textes, de la notion d’opération financière imposerait de se référer à la jurisprudence et, plus particulièrement, à la décision de la Commission des sanctions du 13 décembre 2010, confirmée par la Cour d’appel de Paris, portant sur la prise de participation de la société Wendel dans le capital de la société Saint-Gobain ; qu’il résulterait de cette décision que l’opération financière visée par l’article précité ne pourrait être caractérisée que si l’investisseur était en mesure d’exercer une influence sur la stratégie de la société, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ; que la mise en cause en déduit ne pas avoir eu à informer le public « d’un projet d’opération qui, même réalisé, ne confèrerait à son initiateur aucune influence sur la stratégie de l’émetteur visé et n’aurait pas d’incidence significative sur le cours du titre de l’émetteur ou, le cas échéant, de l’initiateur » ;

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Considérant, en premier lieu, que, dans la procédure suivie contre la société Wendel, en l’absence de toute motivation de principe, la Commission des sanctions et la juridiction de recours se sont bornées à appliquer à un cas d’espèce les notions auxquelles se réfère l’article 223-6 du règlement général de l’AMF, sans donner de l’opération financière, de sa préparation ou de ses incidences une définition plus précise ou plus restrictive que celle résultant de cet article ; que l’on peut seulement en déduire, ce qui n’est au demeurant pas contesté, que la montée, dans des proportions importantes, au capital d’une société constitue, en soi, une opération financière ;

Considérant, ensuite, que, selon l’article précité, l’opération financière en préparation dont le public doit être informé est celle qui est susceptible d’avoir une incidence significative, soit « sur le cours d’un instrument financier », soit « sur la situation et les droits des porteurs » ; que ces conditions, qui délimitent le champ d’application de l’obligation d’information, sont, contrairement à ce qui est soutenu par LVMH, alternatives, et non cumulatives ; qu’elles seront examinées successivement ;

Considérant que, selon le représentant du Collège, l’annonce de la participation de LVMH dans le capital d’Hermès à hauteur de plus de 13% était susceptible d’avoir une incidence significative sur le cours du titre de l’une ou l’autre société, ainsi que sur les instruments financiers qui leur sont liés ;

Considérant que ne saurait être opposé l’argument pris de ce que, dans son avis du 2 octobre 2012 relatif au second délit d’initié visé par la plainte avec constitution de partie civile d’Hermès, le Collège aurait pris une position différente, dès lors qu’il s’agit, comme on l’a vu plus haut (partie 2, III), de procédures distinctes visant des faits revêtant des qualifications juridiques sans rapport entre elles ; que ce document analyse, certes, le caractère, selon lui non privilégié, de l’information relative à la détention de près de 5% du capital d’Hermès et à la prise de participations supplémentaires au capital de cette société par LVMH ; que, toutefois, cette analyse, faite il y a plusieurs mois par le seul Collège, saisi d’une procédure pénale, est totalement inopérante en l’espèce ; que c’est en effet à la Commission des sanctions, et à elle seule, qu’il appartient, à l’issue du débat contradictoire entre les représentants du Collège, la mise en cause et ses défenseurs, de porter, en toute indépendance, sa propre appréciation ;

Considérant qu’il paraît difficilement contestable que la perspective d’une montée substantielle de LVMH au capital d’Hermès aurait été, s’il en avait eu connaissance, prise en compte par un investisseur raisonnable ;

Considérant que, s’agissant du titre Hermès, l’information relative à une prise de participation importante, à long terme, par une société du même secteur du luxe et qui en est, de surcroît, le leader mondial, était susceptible d’être interprétée par cet investisseur soit positivement – en ce qu’elle pouvait renforcer sa confiance dans le titre, eu égard à la place prépondérante occupée par le groupe LVMH – soit négativement – par crainte d’une réaction des actionnaires familiaux, pouvant affecter à plus ou moins brève échéance la liquidité du titre ; que, d’ailleurs, aussi bien le directeur financier de LVMH, notamment lors du conseil d’administration du 21 octobre 2010 (cote R1163), que sa banque conseil ont alerté la mise en cause sur l’influence que la seule annonce au marché de l’existence des ELS pourrait avoir sur le cours du titre Hermès ;

Considérant qu’en ce qui concerne le titre LVMH, l’annonce d’une telle opération pouvait être perçue par un investisseur de manière positive, en ce qu’elle augmentait encore la notoriété de ce groupe et constituait pour lui une source d’enrichissement, compte tenu notamment du montant auquel les actions Hermès avaient été acquises, soit, selon le rapport d’enquête, à un cours 2,18 fois inférieur à celui constaté au mois d’octobre 2010 ;

Considérant, au demeurant, que le lundi 25 octobre 2010, premier jour de bourse suivant l’annonce par LVMH, le samedi 23 octobre 2010, de sa prise de participation, le cours des titres Hermès et LVMH a augmenté de manière « significative » puisque, respectivement, de 15,12% et de 2,38% ; que, si ces titres ont baissé le lendemain et le surlendemain, pour s’établir à un niveau légèrement inférieur à celui du 22 octobre 2010, ce phénomène s’explique aisément par les réactions et les communiqués subséquents de l’un et l’autre émetteurs, révélateurs d’une forte tension entre eux ; qu’il ne saurait, en toute hypothèse, être déduit de ces mouvements simultanés, affectant le cours des titres des sociétés Hermès et LVMH à la hausse, puis à la baisse, que l’annonce de la montée de la seconde au capital de la première a été sans incidence sur la cotation en bourse ;

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Considérant qu’en l’espèce, la condition tenant à « l’incidence significative » de l’opération en cause « sur le cours d’un instrument financier » est donc pleinement remplie ;

Considérant, surabondamment, que cette opération, si elle ne pouvait effectivement pas, au regard des statuts d’Hermès, société en commandite par actions, conférer à LVMH une prise de contrôle, a tout de même eu pour effet de modifier sensiblement l’actionnariat de la société, un nombre considérable de titres initialement détenus par la famille Hermès étant devenus la propriété de LVMH ; qu’en outre, la prise de participation de la mise en cause, si elle s’était faite au grand jour, aurait normalement dû lui permettre d’avoir, au sein du conseil de surveillance d’Hermès, des représentants désignés par l’assemblée générale des actionnaires ; que, dans les conditions où elle s’est produite, elle a, à l’inverse, conduit l’actionnariat familial d’Hermès, dans son communiqué du 24 octobre 2010, « à confirmer sa parfaite unité et sa volonté unanime de maintenir dans le long terme son contrôle » puis, après avoir obtenu de l’AMF, le 7 janvier 2011, une dérogation à l’obligation de déposer un projet d’offre publique, à créer une société holding familiale détentrice de plus de 50% du capital social ;

Considérant que la prise de participation de LVMH, si elle n’a pas eu d’effet sur le contrôle de cette société, a donc bien eu, au sens de l’article 223-6 du règlement général de l’AMF, une « incidence » sur la « situation » des porteurs de parts de la famille Hermès et sur les modalités d’exercice de leurs « droits » ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la montée de LVMH au capital d’Hermès présente toutes les caractéristiques d’une opération financière dont la préparation devait être portée, dès que possible, à la connaissance du public ;

II.2 L’obligation de communiquer au public la préparation de la montée au capital d’Hermès

Considérant qu’il convient de rechercher à partir de quelle date la préparation de l’opération financière était suffisamment avancée, même si elle n’était pas dépourvue d’aléas et de solutions alternatives, pour devoir être communiquée au marché ;

Considérant que, selon la mise en cause, les ELS ont été conclus dans la seule perspective d’une exposition économique sur le titre Hermès, les démarches « exploratoires » sur un dénouement en titres dont M. M. D a pris l’initiative n’engageaient pas la société et les réponses positives des 15 et 21 juin 2010 émanant respectivement du déontologue de la Société Générale et du responsable de la structuration de Nexgen ne valaient pas accord, de sorte que, avant la décision du conseil d’administration du 21 octobre 2010, LVMH se trouvait dans l’impossibilité de porter à la connaissance du public les caractéristiques d’une opération hypothétique et insuffisamment avancée ;

Considérant qu’il est incontestable qu’à l’origine, était exclusivement prévu un dénouement en numéraire de tous les ELS, ce qui peut apparaître comme l’expression univoque d’une volonté de prendre une exposition purement économique sur le marché du titre Hermès ; que, pour autant, la seule recherche d’un profit financier rend difficilement explicables les modalités particulières de conclusion de ces contrats et les mesures prises pour masquer leur existence, indices dont la réunion est révélatrice, à tout le moins, d’une ambivalence de LVMH quant à ses intentions ;

II.2.1 Les modalités de conclusion des ELS

Considérant que les ELS conclus au cours de l’année 2008, ayant tous pour sous-jacent le titre Hermès, présentent un caractère atypique, qu’il s’agisse du montant ou du mode de conclusion de ces contrats ;

Considérant que le montant notionnel de l’ensemble des ELS conclus par LVMH entre 2007 et 2010 était légèrement inférieur à 1,3 milliard d’euros, l’exposition sur l’action Hermès atteignant 1,1 milliard d’euros, soit près de 90% de l’ensemble ; que les autres sous-jacents les plus représentés durant cette période étaient les titres Pernod Ricard et Tiffany & Co, pour des montants notionnels respectifs de 85 et 18 millions d’euros, sans commune mesure avec les actions Hermès ;

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Considérant que l’exposition prise, presque exclusivement et pour un montant aussi significatif, à la performance du seul titre Hermès est difficilement justifiable au regard de l’impératif financier de diversification des risques ; qu’elle l’est d’autant moins que la mise en cause a, antérieurement ou concomitamment à la conclusion des ELS, couvert l’intégralité des engagements de ses cocontractants par des garanties à première demande pour une somme globale de 1,48 milliard d’euros qui, étant largement supérieure au montant notionnel de tous les contrats, dépassait la somme nécessaire à l’acquisition de l’ensemble des titres Hermès ; que, dans de telles circonstances, il est étonnant que LVMH ait refusé, alors que Nexgen le lui avait proposé le 30 septembre 2008, de se couvrir contre ses risques de perte ;

Considérant, en outre, que c’est LVMH qui a identifié, puis signalé, parfois avant même la conclusion des contrats, les « blocs vendeurs » aux établissements signataires des ELS, leur permettant ainsi de constituer une partie significative de leur couverture ; que ces blocs étaient détenus par un actionnaire familial d’Hermès, dont les intentions de cession paraissent avoir été évoquées lors d’une réunion, le 5 mars 2008, entre la mise en cause et la banque Lazard ; que l’identification de la grande majorité des « blocs vendeurs » de titres par un acheteur d’ELS n’est pas une pratique habituelle ; qu’en l’espèce, elle a permis de pallier l’insuffisance des actions Hermès disponibles sur le marché et de favoriser la conclusion des ELS ; qu’en facilitant ainsi la couverture des banques, LVMH a pu s’assurer de la détention par les établissements bancaires et, dès lors, de la disponibilité d’environ 7% du capital d’Hermès ;

Considérant, enfin, que la conclusion des ELS avec trois banques différentes a permis de limiter, pour chacune d’entre elles, le montant notionnel à moins de 5% du capital d’Hermès ; que, si les contreparties de LVMH ont, pour l’une lors de son audition par les enquêteurs, pour les deux autres par des courriers sollicités par LVMH, attesté de leur volonté de maintenir les ELS en dessous de cette limite, il demeure qu’a ainsi été évitée toute déclaration, lors de l’acquisition par les banques des actions Hermès destinées à assurer leur couverture, d’un franchissement de seuil à la hausse qui aurait pu alerter le marché ; que cette répartition des ELS a donc permis à LVMH de préserver une totale confidentialité sur l’opération ;

II.2.2 Les mesures prises pour masquer la participation au capital d’Hermès et la conclusion des ELS

Considérant que ce souci de discrétion a prévalu, ainsi qu’il a été démontré (partie 3, I), lors du traitement comptable de la participation « en dur » au capital d’Hermès et des ELS sur les titres de cet émetteur ; que les modalités retenues par LVMH dans ses comptes consolidés ont eu pour objet et pour effet de masquer la détention de plus de 4,9% d’actions Hermès et la conclusion de contrats qui ont porté sur treize millions de ces titres, représentant plus de 12% du capital social ; que, s’agissant des actions détenues depuis 2001-2002, il résulte clairement des notes de synthèse des commissaires aux comptes, ainsi que de leur audition par les enquêteurs, que certains choix de présentation comptable ont été dictés par des préoccupations de confidentialité ; qu’en recourant à cette comptabilisation, dérogatoire, sur certains points, par rapport aux normes en vigueur et au règlement général de l’AMF sur l’information du public, LVMH a tenu le marché dans la totale ignorance de ce que, d’une part, elle détenait 4,9% du capital d’ Hermès, d’autre part, elle avait conclu des ELS ayant pour unique sous-jacent treize millions de titres de cette société ; qu’elle s’est attachée à ne faire apparaître aucun signe évocateur de son intérêt pour Hermès dans les documents comptables rendus publics ;

Considérant que cette opacité délibérément entretenue a été renforcée par l’attribution des titres et ELS en cause à des filiales luxembourgeoise et américaine qui présentaient la particularité, alors qu’elles entraient déjà dans le périmètre de consolidation du groupe, de ne pas avoir été mentionnées par LVMH dans la liste des sociétés consolidées jusqu’au rapport annuel 2010, lequel n’a été rendu public qu’après le dénouement des ELS et l’information du marché sur la prise de participation dans le capital d’Hermès ;

Considérant, en outre, que malgré leur importance considérable, les garanties à première demande consenties par LVMH et Sofidiv, pour un montant de 1,48 milliard d’euros, au profit des banques contreparties des ELS n’apparaissaient pas dans les annexes aux comptes consolidés aux 31 décembre 2008 et 2009 ; que la note 29.4 relative aux « Cautions, avals et autres garanties » ne faisait état que de garanties données pour un montant total de 107 millions d’euros en 2008 et de 135 millions d’euros en 2009, LVMH ayant précisé dans les deux cas :

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« A la connaissance du groupe, il n’existe pas d’engagements hors bilan significatifs autres que ceux décrits ci-dessus » ; qu’il existait pourtant des engagements pour 1,48 milliard d’euros, plus de dix fois supérieurs aux montants mentionnés dans les annexes aux comptes ; que LVMH, si elle en avait fait état dans ses comptes, aurait dû expliquer les raisons pour lesquelles le montant des garanties était passé de 89 millions d’euros en 2007 à 1,58 milliard d’euros l’année suivante ;

II.2.3 Les perspectives de dénouement des ELS

Considérant que, si LVMH avait entendu se cantonner à une exposition économique aux performances du titre Hermès sans en envisager l’acquisition, elle n’aurait pas fixé, pour les ELS conclus avec Nexgen et la Société Générale, des dates de dénouement regroupées sur une période de moins de quatre mois – du 24 janvier au 21 mai 2011 – durant laquelle ces banques auraient normalement été amenées à se défaire de 9,8 millions de titres avec le risque, soit d’une baisse sensible du cours, contre-productive pour la mise en cause, soit d’une vente de blocs hors marché à un concurrent de LVMH, ce que celle-ci a constamment indiqué – notamment lors du conseil d’administration du 21 octobre 2010 – vouloir éviter ;

Considérant que la seule solution au problème qu’elle avait elle-même créé consistait, pour LVMH, à acquérir ces actions soit directement auprès de ses contreparties, hors marché, soit par la voie d’un dénouement en titres des ELS ;

Considérant, d’ailleurs, que c’est la nécessité de laisser à LVMH la possibilité future d’acquérir les actions Hermès qui a conduit son directeur juridique, lors de la négociation, en 2008, des ELS avec CA-CIB, à obtenir la suppression de la clause qui prévoyait que « lors du dénouement de sa couverture (…) CALYON ne pourra pas vendre hors bourse à Harmony des actions détenues par CALYON en couverture » ; que celui-ci a, en effet, précisé aux enquêteurs qu’il avait souhaité supprimer une telle clause « pour ne pas entraver la liberté de LVMH » ;

II.2.4 La préparation de la montée au capital d’Hermès

Considérant que le caractère atypique et massif des ELS concentrés sur un seul sous-jacent, les efforts déployés pour masquer la conclusion de ces contrats, enfin, l’organisation de leurs perspectives de dénouement sont, à tout le moins, révélateurs du souci constant de LVMH de se ménager la possibilité d’accéder à la propriété des titres ; qu’à partir de la fin du printemps 2010, cette éventualité a cédé la place au projet, aux contours bien définis, de prendre, dans le capital d’Hermès, une participation supplémentaire très significative ;

Considérant que, selon les déclarations de M. M. D, ce serait à l’occasion de l’arrivée à échéance, le 4 juin 2010, du premier ELS conclu avec CA-CIB, « Gold 1 », qu’il se serait interrogé sur les suites à donner à l’ensemble des ELS, les conditions de marché et le manque de liquidité du titre Hermès faisant difficulté tant pour la détermination du prix de référence final que pour le rythme de liquidation des couvertures, ce qui l’aurait amené à envisager l’éventualité d’un dénouement en titres plutôt qu’en numéraire ;

Considérant que la question de savoir s’il serait possible d’envisager un dénouement des ELS en titres ou une vente directe, hors marché, des actions Hermès a alors été posée, non pas seulement à CA-CIB, mais aussi, simultanément, aux deux autres banques ;

Considérant qu’au sein de CA-CIB, a été élaborée une note juridique selon laquelle, si la banque acceptait une telle « novation du PRS en cédant son delta au client au moment du débouclement de la couverture, (…) la banque pourrait être considérée a posteriori comme ayant aidé son client à acquérir une participation significative dans le capital de Gold en s’affranchissant momentanément des déclarations de franchissement de seuil et en faussant la transparence du marché (…) Comme le relève de façon pertinente un auteur, « rien, certes, n’interdit aux parties de changer leur fusil d’épaule et de convenir, en cours de vie du contrat, d’un dénouement en titres, novant ainsi un cash-settled equitiy swap. Mais, ce faisant, elles révèlent la finalité réelle de l’opération : il ne s’agit plus d’une stratégie de couverture ou de spéculation » ; que c’est cette analyse, dont LVMH aurait pu

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s’inspirer, qui a conduit la banque, dans un premier temps, à refuser de modifier le mode de dénouement de l’ELS puis, quatre mois plus tard, à subordonner ce changement à une communication préalable ;

Considérant qu’après que la Société Générale eut informé LVMH de ce qu’elle détenait désormais les titres sous- jacents de l’ELS en raison du dénouement par anticipation du contrat de vente à terme qu’elle avait conclu avec la société Dilico, elle a été interrogée, le 9 ou 10 juin 2010, par M. D sur une éventuelle vente en bloc, à LVMH, de gré à gré, des actions Hermès qu’elle détenait en couverture ; qu’elle a immédiatement soumis la question au service du déontologue qui a indiqué, par un courriel interne du 15 juin 2010 : « nous n’avons pas d’objection à ce que, suite au dénouement anticipé de l’ELS cash settlement et à la demande de LVMH, les actions détenues par SG au titre de la couverture soient cédées à LVMH » ;

Considérant que, le 21 juin 2010, le responsable de la structuration de Nexgen a donné oralement son accord à l’éventualité d’amender les contrats d’ELS pour permettre un dénouement anticipé et en titres ; il en a, par courriel du même jour, informé ses collaborateurs ;

Considérant qu’il est invraisemblable que, comme il le prétend, M. D ait pris seul, sans en référer à sa hiérarchie, « la décision d’interroger les trois banques sur la possibilité d’un dénouement en titres des ELS » ; que ses déclarations sont en contradiction manifeste avec la définition qu’il a lui-même donnée de son rôle d’adjoint de M. C, ayant négocié la mise en place des ELS « à la demande » et sur les « instructions » de ce dernier, alors qu’il « ignorait » comment le choix du titre Hermès avait été fait et quelle avait été la stratégie de LVMH au moment de la conclusion des ELS, et alors qu’il n’avait « jamais su » le nombre total de titres sur lesquels portaient ces contrats (cotes R129 et R134) ; qu’elles sont en outre contredites par la réaction des trois établissements bancaires, qui ont répondu à la question sur un dénouement en titres qui leur était posée par M. D dans les jours qui ont suivi, après avoir consulté les services compétents ; qu’ainsi, ils ont estimé être saisis d’une interrogation explicite de LVMH, et non d’une « démarche exploratoire » individuelle, n’engageant que son auteur ;

Considérant qu’en toute hypothèse, contrairement à ce que soutient son conseil, LVMH, responsable des actes commis par ses préposés dans l’exercice de leurs fonctions ne saurait se prétendre ni étrangère à la décision de solliciter simultanément les trois établissements financiers sur l’éventualité d’un dénouement anticipé des ELS en titres, ni indifférente, d’une part, aux accords de principe donnés les 15 et 21 juin 2010 par la Société Générale et Nexgen, d’autre part, à l’opposition manifestée, pour des raisons de défaut de transparence, par CA-CIB ; qu’enfin, les réponses positives des deux premières banques ne peuvent être regardées comme dénuées de tout engagement alors qu’elles ont été données après consultation des services compétents et que, quatre mois plus tard, elles ont été confirmées, pour Nexgen dès le lendemain de la demande officiellement faite par LVMH le 13 octobre 2012 et, pour la Société Générale, dans les huit jours de cette demande ;

Considérant qu’ainsi, la mise en cause a constamment tenté de réduire la portée de la question posée au début du mois de juin 2010 et des réponses qui lui ont été données les 15 et 21 juin 2010 par les banques, alors que cette dernière date marque une étape décisive du processus mis en place ;

Considérant, en effet, qu’à partir du 21 juin 2010, LVMH savait qu’elle pourrait obtenir de Nexgen et de la Société Générale le dénouement anticipé des ELS et acquérir hors bourse, comme l’y autorisaient les contrats, les titres Hermès détenus pas ces banques ; qu’elle était donc en mesure de décider, à tout moment, de monter au capital d’Hermès, d’autant qu’il est établi qu’elle disposait des fonds nécessaires à l’acquisition des titres (cote D 11420) ; qu’elle a d’ailleurs, le 22 septembre 2010, mandaté la banque Lazard « sur l’analyse des options du débouclement des ELS », le 19 octobre 2010, tiré les conclusions des résultats de cet audit puis, le 21 octobre 2010, obtenu l’accord de son conseil d’administration ; que, le 22 octobre 2010, elle est entrée en possession des 4,8 et 5 millions d’actions détenues respectivement par la Société Générale et par Nexgen ; qu’elle détenait alors, à l’insu du marché qui ne l’a découvert que le lendemain, 15 016 000 actions, représentant 14,2% du capital d’Hermès ;

Considérant qu’à la date du 21 juin 2010, l’opération projetée était, certes, encore affectée de certains aléas, sa conclusion étant notamment subordonnée à l’accord du conseil d’administration de LVMH ; que cet accord était toutefois fort probable compte tenu, d’une part, du niveau auquel avaient été prises les décisions de conclure les

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ELS, de réunir les actions entre les mains des contreparties et d’obtenir un dénouement par anticipation en titres, d’autre part, de la trésorerie disponible ; qu’au demeurant, le 21 octobre 2010, M. M. B, après avoir insisté sur les avantages de cette opération et sur les inconvénients de toute autre solution, a obtenu un vote unanime du conseil d’administration (cotes R1163 à R1165) ;

Considérant que le projet d’acquisition des titres Hermès revêtait donc, dès le 21 juin 2010, des « caractéristiques » suffisamment définies et précises pour entrer dans les prévisions de l’article 223-6 du règlement général de l’AMF ; qu’en conséquence, LVMH aurait dû, à partir de cette date, porter à la connaissance du public l’opération financière en préparation, en en indiquant les caractéristiques – notamment la durée et le montant des ELS conclus, la nature des titres sous-jacents et les modalités de dénouement envisagées – ainsi que les aléas ; que, poursuivant la politique d’opacité mise en œuvre depuis l’origine, elle s’est abstenue de toute communication jusqu’à la réalisation effective de sa prise de participation dont l’annonce, le lendemain, a surpris tous les acteurs du marché ; que le manquement à l’obligation d’information qui lui est reproché est donc caractérisé en tous ses éléments ;

Partie 4 : LA SANCTION ET LA PUBLICATION

Considérant qu’en application de l’article L. 621-15 III c) du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur à l’époque des faits, le montant des sanctions pécuniaires ne peut être supérieur à 10 millions d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ;

Considérant que, dans cette limite, il sera tenu compte, d’un côté, de la rigueur des prescriptions de l’article 223-6 du règlement général de l’AMF, de l’autre, de la gravité de manquements successifs à l’obligation d’information du public ayant consisté à masquer toutes les étapes de la prise de participation de LVMH dans le capital de la société Hermès ; que ce contournement de l’ensemble des règles destinées à garantir la transparence indispensable au bon fonctionnement du marché doit être sanctionné à la hauteur des perturbations qu’il a provoquées ;

Considérant que sera prononcée à l’encontre de LVMH une sanction de huit millions d’euros ;

Considérant que la publication de la présente décision, qui participe de l’information du marché et ne risque pas de causer un préjudice disproportionné à la mise en cause, sera ordonnée ;

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PAR CES MOTIFS,

Et après en avoir délibéré, sous la présidence de Mme Claude Nocquet, par M. Jean-Claude Hassan, président de la 2ème section, Mme Marie-Hélène Tric, MM. Bruno Gizard, Jean-Claude Hanus, Pierre Lasserre, Joseph Thouvenel et Jean-Jacques Surzur, membres de la Commission des sanctions, en présence du secrétaire de séance,

DECIDE DE :

— prononcer à l’encontre de la société LVMH Moët Hennessy-Louis Vuitton une sanction pécuniaire de 8 000 000 € (huit millions d’euros) ;

— publier la présente décision sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers.

Fait à Paris, le 25 juin 2013,

Le Secrétaire de séance, La Présidente,

Marc-Pierre JANICOT

Claude NOCQUET

Cette décision peut faire l’objet d’un recours dans les conditions prévues à l’article R. 621-44 du code monétaire et financier.

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Textes cités dans la décision

  1. Code monétaire et financier
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Décision de la Commission des sanctions du 25 juin 2013 à l'égard de la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton